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Critique de Nastasia-B


J'ai mis cinq longues années à lire Les Caractères. Non pas que je le trouve ennuyeux ou mal écrit, pas du tout, bien au contraire, c'est juste que comme il n'y a pas d'intrigue et qu'il se compose presque uniquement de très courts paragraphes — quasiment des maximes — et qui peuvent être lus séparément, il est bon, je crois, de les laisser décanter, d'y revenir quelques jours, mois ou semaines plus tard, et ainsi de suite. Voilà comment on peut mettre cinq ans à lire ces 400 pages.

Passée la première surprise où j'avais été quelque peu décontenancée (je m'attendais à quelque chose de plus romancé, on m'avait fait lire Ménalque, l'un des portraits les plus longs de l'ouvrage au collège) j'ai commencé à prendre du plaisir à cette lecture. C'est vraiment de la liqueur, on s'en ressert dans un petit verre à la fin du repas et on savoure. Ce n'est pas fait pour la consommation courante.

Et donc, si l'on accepte le contrat avec Jean de la Bruyère, lire des petits aphorismes, des paragraphes, parfois très courts, parfois bien plus longs, sans suite apparente malgré le classement en seize rubriques distinctes, des sortes de thèmes, si l'on accepte le contrat, donc, on mesure la finesse, la justesse, tant de l'écriture que du propos, l'acuité du regard de cet écrivain, qui nous fait un portrait admirable de ses contemporains du XVIIème siècle, sous le règne de Louis XIV.

Il y est davantage question de son monde, l'aristocratie, que des classes populaires quoiqu'on puisse affirmer qu'il avait un réel soucis de ce qui se passait dans les campagnes et dans les quartiers peu chics des villes. Ce qui me fascine dans son projet, c'est qu'en aiguisant au maximum son regard, il parvient souvent à dépouiller totalement l'homme de sa gangue de XVIIème siècle et à en révéler ce qui est universel en lui, qui était, qui est et qui a toujours été et, malheureusement, sera toujours.

J'écris " malheureusement " car le portrait n'apparait pas forcément très reluisant sous sa plume. L'homme, défait de ses oripeaux de politesse imposée, de ses parures d'amabilité, n'est pas toujours beau à voir, à l'époque comme maintenant. Mais tout de même, quelle maestria : arriver à nous décrire précisément telle habitude, tel travers chez des hommes ou des femmes de l'aristocratie française du XVIIème siècle et s'apercevoir émue que ces traits n'ont pas varié d'un iota, qu'ils sont présents dans les mêmes proportions et avec les mêmes outrances dans les classes moyennes ou populaires que je fréquente, toutes origines confondues, en ce début de XXIème siècle, c'est impressionnant. (Je ne parle pas des élites que je n'ai pas l'occasion de fréquenter mais qui sont faites, à n'en pas douter, des mêmes ingrédients et dans les mêmes proportions et ce, n'importe où dans le monde.)

Outre la qualité de son style, sobre, précis, élégant (rien que pour ça, cela vaut la peine d'être lu), outre la qualité et la justesse des observations, il me faut tout de même confesser que certaines sections m'ont plus ennuyées que d'autres. Je pense, notamment, à celles situées vers la fin de l'ouvrage, comme de la Chaire ou Des Esprits Forts qui n'ont plus vraiment d'actualité et de raison d'être aujourd'hui, selon moi.

En somme, à ces deux ou trois restrictions près, je ne puis que m'enthousiasmer et conseiller vivement cette lecture. N'y voyez aucune malice ni aucun sarcasme mais je juge que c'est le genre de livre idéal pour les toilettes, à vous de voir. D'ailleurs ceci n'est qu'un avis de chiottes, sans grand caractère, c'est-à-dire, plus que jamais, pas grand-chose.
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