(p. 11)
Parler d'érotisme au sujet de ces dix siècles, du Ve au XVe, qu'on a l'habitude de nommer médiévaux, c'est, disons-le pour commencer, commettre un anachronisme linguistique.
Le mot, dérivé du grec Éros, nom du dieu de l'amour et du désir, n'apparaît pas au Moyen Âge. C'est, en langue française, une création du milieu du XVIe siècle, qui ne prendra le sens contemporain de ce qui a trait au plaisir et au désir sexuel qu'à la fin du XVIIIe.
Mais ce que terme évoque se développe largement pendant le millénaire que compte le Moyen Âge.
(p.117 - un fabliaux)
"Elle commence à le lisser;
Rosette le prend dans les mains,
sans en concevoir mille malice.
Doucement elle l'étreint et le masse,
et le vit dresse le cou dans sa main."
Douin de Lavesne, "Trubert", trad. L.Rossi, p501
(p. 143)
Les libertains du XVIIIe siècle, Sade en tête, confondent sexualité et agression : ce n'est jamais que la conquête ovidienne de la proie par son séducteur, revisitée jusqu'à ses ultimes conséquences.
(p. 70)
Enfin, lorsque, au bout de l'échelle sociale, le dialogue final fait s'affronter un grand seigneur et une dame de la haute noblesse, il s'avère tout à coup que le grand seigneur en question n'est autre... qu'un clerc : "Si je demande à une femme de m'aimer elle ne peut me repousser sous prétexte que je suis un homme d'Église; bien plus, je vous prouverai de façon irréfutable qu'il vaut mieux aimer un clerc qu'un laïc (...) car on sait que rien n'est plus nécessaire sur cette terre que d'être versé dans la technique de tout ce qui touche à l'amour."
(p. 122-123)
Cette littérature du peuple médiéval peut donc témoigner de la conception de la sexualité que se faisait ce peuple, loin des prescriptions théologiques ou des raffinements de l'amour courtois. N'en déplaise au clerc André Le Chapelain, qui déconseillait d'initier les paysans à l'art d'aimer, la sexualité des vilains, à lire les fabliaux, les préoccupe tout autant qu'elle travaille les guerriers... ou les clercs. L'adultère est de mise, ici aussi, mais parce que les jeunes valets et surtout les prêtres apparaissent plus disponibles et plus amoureux que bien des maris. Sans parler de la taille de leur sexe : "Il y a plus grand que vous n'avez et plus gros, sachez-le bien!", fait remarquer l'épouse de maître Picon à ce dernier.