Jean et Pierre Ravier : 60 Ans de pyrénéisme

Mon goût immodéré pour la reptation verticale fut comblé par la fameuse cheminée noirâtre qui en avait intimidé plus d'un : pour m'en extraire je mis à contribution mon allonge conséquente pour attraper loin à gauche une cordelette abandonnée par un prédécesseur magnanime. Elle cravatait une cornière à peine enfoncée, deux lames tordues faisaient suite. J'ignore toujours si la peur donne des ailes, mais je reste persuadé qu'elle rend léger sur les étriers. (R Munsch)

Cette course alimentera la légende des jumeaux, car pour ces bivouacs en plein hiver, ils ne sont pas équipés de sacs de couchage en duvet, mais de grands sacs en papier qui servent d'emballage pour les courroies de ventilateurs aux Magasins Bordelais! (JF Labourie)

J'ignore toujours pourquoi nous avions choisi une torride journée d'été pour nous frotter à ces calcaires ensoleillés. Inconscients, nous ne réalisions pas que le Billare pouvait être à l'Eiger ce que le four est au frigo! (R Munsch)

Je ne pouvais décemment pas proposer cette course à un grimpeur "moderne", vu le rapport entre les heures de marche et le nombre de longueurs de corde, il m'aurait ri au nez et douterait peut-être encore de ma santé mentale. Il me fallait motiver un adepte du tout-terrain, quartogradiste certes, mais avalant sans rechigner raillères et chausse-trappes dans les buissons de rhododendrons. (R Munsch)

Longs bivouacs nocturnes en pleine paroi... combien de nos plus dures courses en montagne n'eussent été sans vous ce qu'elles ont !... Et qui donc mieux que vous eût pu nous faire ainsi aimer de nos Pyrénées le visage le moins... aimable?... Que de nuits à la -pas toujours- belle étoile ont précédé celle-ci sur les flancs de ce même sommet - le plus beau, le plus grand de tous- où toujours notre jeunesse a trouvé à satisfaire sa soif d'aventure et de liberté! (P Ravier)

L'affaire débuta par la préparation des sacs, qui une fois bouclés, se révélèrent à la hauteur de nos ambitions, c'est à dire énormes...
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Si leur volonté ne faiblissait pas, cette cordée aurait pu gravir la moitié du pilier le temps que nous rangions notre infâme bric-à-brac. En fait, seule, une mitrailleuse nous faisait cruellement défaut. (R Munsch)

Nous n'eûmes pas le triomphe modeste, d'autant que le gardien mettait en doute notre ascension. En jumelant la muraille, il ne nous avait pas aperçus. Cela valait peut-être mieux, vu nos tribulations dans la traversée. Le livre du refuge fit les frais de notre passage, la page qui relatait notre ascension n'aurait pas déparé dans Charlie Hebdo.
Quelque temps plus tard je reçus la visite d'un membre de la cordée qui nous avait précédés à la Tour. Il avait peu apprécié nos sarcasmes et tenait à m'en faire part : probablement avait-il raison. (R Munsch)

C'est à lui que je dois d'être ici aujourd'hui et d'avoir conquis quelque chose de bien plus précieux qu'une redoutable face nord. Note amitié toute neuve est déjà pour moi, de cette course qui l'a fait naître, le meilleur et le plus durable des souvenirs. (J Ravier)

Ses pieds sont en sang et les coutures de ses espadrilles ont rendu l'âme : elle les jette dans le vide. alors que tout le monde se restaure, Pierre réalise : Maïté, son invitée, est pieds nus au sommet du Néouvielle.

Sans hésiter, comme si cela allait de soi, Pierre se déchausse et offre ses chaussures de montagne et ses chaussettes à sa protégée. (JF Labourie)