AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de camati


Floride - 1935. le premier chapître donne le ton d'emblée en plongeant le lecteur dans un état d'angoisse assez intense - rien à voir avec un thriller - car il se demande si le bébé va être mangé par le crocodile. L'imagination fonctionne pleinement. En tout cas, pour moi, cela a été le cas. J'ai craint que la jeune Missy ne se fasse lyncher car, sans même que cela soit dit dans le texte, j'ai compris qu'elle était noire et s'occupait du bébé d'un couple blanc. Alors, si elle était jugée coupable de la mort du bébé, je ne donnais pas cher de sa peau, à une époque où les lynchages étaient courants dans les états du sud américain. Avez-vous jamais prêté attention aux paroles de "Strange fruit", chanté pour la première fois par Billie Holliday en 1939?
Dès le troisième chapître, le lecteur sait qu'il va se passer quelque chose de violent voire dramatique. La tension monte au fur et à mesure que l'on approche de cette soirée de fête du 4 juillet (la fête nationale américaine), où les vétérans, les blancs, les noirs vont se retrouver sans toutefois se mélanger et où l'alcool va couler et échauffer les esprits sur fond de lois Jim Crow (la ségrégation ne sera abolie qu'en 1964) et de folie liée aux conséquences de la guerre.
L'auteur, Vanessa Lafaye, sait bien tisser étroitement les liens entre les trois thèmes qu'elle aborde dans son roman: le sort des vétérans qui, longtemps après être rentrés de la guerre, n'ont toujours pas d'avenir et se sentent rejetés et abandonnés, les relations interraciales, toujours tendues dans les états du Sud qui atteindront leur paroxysme lors du passage de l'ouragan, et enfin le pouvoir destructeur (métaphore de la folie humaine?) de la Nature avec cet ouragan plus violent qu'aucun autre auparavant.
Vanessa Lafaye maîtrise bien les descriptions de personnages, de lieux, d'atmosphère. Le pouvoir évocateur est très fort: le lecteur vit le passage de l'ouragan avec les personnages, ressent leur souffrance physique et morale. V. Lafaye sait bien construire pas à pas la tension: de la même manière que l'angoisse montait lors de l'épisode du crocodile, elle monte à l'approche de l'ouragan; personne n'est sûr de rien, chacun a ses impressions personnelles, chacun anticipe à sa manière; le lecteur est amené à penser que cette fois-ci, cela va dépasser ce que chacun peut imaginer. L'auteur ne nous épargne pas les détails, mais sans voyeurisme.
Certes, j'ai lu, dévoré, ce livre au moment où la petite ville de Seine et Marne où j'habite était - et est encore - inondée, mais j'ai été particulièrement sensible à la montée progressive de l'angoisse pré-apocalyptique. Un parallèle avec la montée des eaux? Ajoutez à cela la chaleur tropicale et vous aurez une bonne idée de l'atmosphère.
J'ai aimé ce roman, bien traduit,dont je vous recommande la lecture. Je remercie ici Babelio et les éditions Belfond de me l'avoir fait découvrir. Le seul bémol: la fin un peu fleur bleue: tout finit plutôt bien pour les principaux personnages, avec deux ou trois éléments pas très crédibles. Néanmoins, la cérémonie finale de commémoration, bien que très simple, est très émouvante et m'a tiré quelques larmes. Ce livre est très profondément humain. Bravo à l'auteur pour ce premier roman.
Commenter  J’apprécie          70



Ont apprécié cette critique (6)voir plus




{* *}