A présent que le mérite est devenu une donnée managériale et une récompense honorifique, je me déclare non méritante, n'en déplaise à certains jugements m'affublant encore de ce qualificatif. L'usage de terme de méritant, réservé à celles et ceux originaires de classes sociales défavorisées, masque en réalité un mépris de classe qui vous renvoie directement à vos origines.
Ramener l'autre à son extériorité ou à son peu d'intérêt passe par de petits gestes dont certains héritiers n'ont pas conscience : mettre fin tout à trac à une conversation si d'aventure un collègue plus côté passe dans les parages ; ignorer une question posée lors d'un séminaire pour donner la parole à un collègue plus prestigieux ; me saluer après mon élection alors qu'avant d'étais passe-muraille, ou ne plus dire bonjour après la cessation de mes fonctions au bureau de l'EHESS... Autant de petits signes en chaîne de violence symbolique qui me remettaient à ma place.
Qui fait la cuisine pendant qu'ils parlent de la révolution ?
En faisant retour sur mon parcours de ces années, je constate que je suis le pur produit de la démocratisation de l'enseignement supérieur favorable à une classe d'âge née après la Seconde Guerre mondiale.