AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de isanne


Ce texte est une "errance accompagnée" dans les rues d'une ville italienne. Pérégrinations séquencées parfois pleines de couleurs des arbres, des fruits, des senteurs du pays, mais plus souvent nimbées d'un plus sombre brouillard de la pensée tant et si bien qu'il nous reste l'impression d'avoir feuilleté un album photos, des clichés en noir et blanc comme autant de souvenirs, de réflexions, de réminiscences de la narratrice. A moins que ce ne soit une analyse de cette existence solitaire, un peu marginale, en dehors de la foule et des "conventions" qui lui tient lieu de vie.

Noir et blanc parce le contentement n'est jamais complet, le plaisir jamais réellement partagé, si c'était le cas, les couleurs jailliraient ainsi que les sourires et la légèreté des sentiments.

Elle porte un regard distancié sur ce qui l'entoure, s'en éloignant, à chaque instant, volontairement, tout en semblant le regretter parfois. Difficile de s'inclure dans le groupe de vie, toujours en observation des défauts qu'elle ne supporte pas chez l'Autre, ne voulant jamais être rattachée à ses semblables, toujours en recherche de schémas rassurants ou de rituels tranquillisants comme autant de jalons d'une existence qui serait alors maîtrisée , sans surprise. difficile de se créer un environnement serein si ce n'est en le peuplant de livres ou d'objets qui ont pour elle une signification au delà de leur fonction première et de dessiner un décor réconfortant.


Ce désir d'être seule trouve davantage sa raison dans le désir de liberté, l'angoisse d'avoir à se conformer... le regard porté au fil de ces pages est tout en douce tristesse, une nostalgie d'un temps mal saisi. Cette solitude chevillée lui fait porter un regard acéré sur ceux et ce qui l'entourent, exacerbant un sentiment d'individualité dans les rapports et dans le temps.

S'égrènent alors autant d'instants de vie, comme des battements de paupières, des images entrevues, qu'intensifie une écriture nue sans emphase, un peu comme on se remémore les instants passés en en détricotant la trame et en la retricotant à l'envie, les dépouillant des sentiments qui lui sont intimement mêlés. Absence de sentiments réels ou désir de les tenir entravés pour ne rester que celle qui glisse, qui passe effleure, regarde mais ne se lie pas ?

Cette existence délibérément choisie en parallèle, sans réel partage avec ses semblables prend son origine dans l'enfance ou même au-delà, peut-être exprimant un exil dans sa propre vie pas si loin de ressembler à l'exil de ceux qui ont tout quitté pour tenter d'atteindre un "territoire de vie" espéré parfois vainement. Jhumpa Lahiri, née de parents originaires du Bengale, ayant vécu en Angleterre et aux Etats-Unis sait nous parler, avec circonspection, comme en filigrane, de cette étrange sensation de n'être jamais lié, de n'être jamais proche, de vivre dans une nostalgie de vie qu'on n'a peut-être même pas connue… On est comme tenus à distance des sentiments qui pourtant affleurent mais ne se donnent jamais…


Un texte extrêmement travaillé, précis, transparent de légèreté comme un tissu précieux, celui d'un sari peut-être...
Commenter  J’apprécie          4212



Ont apprécié cette critique (38)voir plus




{* *}