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Critique de Nastie92


1852 : l'emplacement du plus haut sommet du monde est confirmé, et sa hauteur mesurée. Il est baptisé « Everest » en l'honneur du géographe britannique Sir George Everest qui fut arpenteur général des Indes Britanniques (Surveyor-General of India) de 1830 à 1843.
1953 : deux hommes (un britannique et un néo-zélandais) atteignent le toit du monde.
Il a fallu un siècle pour conquérir l'Everest, et de multiples équipes qui ont chacune apporté leur pierre à l'édifice.
Parce qu'une telle montagne ne se gravit pas du premier coup, parce que les nombreux problèmes qu'elle pose ne peuvent se résoudre en une seule fois.

Si de nos jours l'Everest présente un itinéraire presque balisé (et on peut le regretter), avec des échelles fixes posées ici ou là, les pionniers ont dû tout faire par eux-mêmes, y compris chercher leur route : essayer un passage, revenir en arrière, s'engager dans une autre voie, tâtonner, tester une autre solution... rien n'étant jamais garanti, les journées ont pu se succéder sans qu'aucun progrès notable n'advienne. Et de temps en temps, la joie d'une avancée tangible.
Avant la cordée victorieuse de 1953, ils ont été nombreux à s'y casser les dents, beaucoup y ont même perdu la vie. Certaines expéditions ont été de complets échecs, d'autres ont effectué des percées notables.
C'est le cas des deux tentatives suisses de 1952.
John Hunt, qui dirigea l'expédition victorieuse de 1953 était bien conscient de ce qu'il devait à tous ceux qui l'avaient précédé, et aux Suisses en particulier, qui avaient sportivement partagé avec lui leur expérience et leurs connaissances avant son départ.
Il ne se montra pas ingrat puisqu'il leur adressa ce câble le lendemain de la victoire : "À vous une bonne moitié de la gloire !"
La grande classe !
Edmund Hillary, dans son livre Au sommet de l'Everest, mentionne également à de nombreuses reprises les cordées suisses, détaillant l'aide dont il a bénéficié grâce à eux dans tel ou tel passage.
Élégance et gratitude.

Alors, qu'ont-ils fait ces Suisses ?
C'est ce que l'on apprend en lisant ce livre.
Cerise sur le gâteau, mon édition contient trois appendices : la liste des sherpas, le certificat remis au sirdar (chef des sherpas) Tensing Norgay, et une chronologie succincte de la conquête de l'Everest.

La première partie intitulée "Il n'y a pas de victoire pour les pionniers" donne le ton : les Suisses sont conscients que devant les nombreuses difficultés rencontrées ils n'ont pas pu aller jusqu'au bout, et que d'autres bénéficieront de leurs découvertes : "L'obligation de déterminer la route la meilleure, les journées perdues en reconnaissances vaines risquent d'exténuer les grimpeurs et d'épuiser leurs forces avant l'assaut qu'ils devront livrer après avoir sévèrement entamé leurs ressources morales et physiques. C'est la lourde rançon que doivent payer les premiers, tribut d'erreurs, de peines gaspillées, de fautes inévitables parce qu'imprévisibles. Terrible surcroît de fatigue qu'ignoreront ceux qui viendront après nous."
Tout ceci est dit sans amertume mais avec lucidité.
À de nombreuses reprises nos amis helvétiques ont dû essayer plusieurs itinéraires, ont dû batailler pour trouver la clé d'un passage difficile ou périlleux.
Être le premier est exaltant mais tellement compliqué et angoissant parfois. En prendre pleinement conscience est l'un des intérêts de cette lecture.

Cet ouvrage nous plonge dans une autre époque.
Une époque où la marche d'approche à elle seule était déjà pleine de péripéties.
Une époque où les communications n'étaient pas ce qu'elles sont de nos jours, où le courrier pouvait mettre plusieurs mois à arriver... quand il arrivait, et où l'on envoyait des télégrammes succincts pour donner des nouvelles, tels que : « Attaque col Sud va commencer. Difficile apprécier difficultés. Équipe forte et volontaire. Forme excellente. Bonne santé. Espoir. Dittert. »
Une époque où payer les coolies (porteurs) était compliqué et nécessitait parfois d'envoyer quelqu'un dans une petite ville où l'on essaiera de changer des travellers cheques.
Une époque où les appareils à oxygène n'étaient pas aussi perfectionnés et efficaces que maintenant.
Une époque où une grande partie de l'Everest était encore vierge de toute exploration.
Tout ces difficultés, ajoutés à celles purement liées à l'alpinisme, contribuent à faire de ce livre un vrai livre d'aventure. du genre de ceux dont on tourne les pages avidement en tremblant pour le héros et en se demandant comment il va pouvoir s'en sortir.

Un autre aspect que j'ai beaucoup apprécié est la façon de parler des sherpas.
Les Suisses se montrent toujours respectueux de ces hommes vaillants et courageux : "Autour de nous, les sherpas vont et viennent avec leurs visages un peu énigmatiques, lunaires, leurs dents éclatantes, cette gentillesse qui nous touche, cette bonne humeur qui nous gagne. Je ne pense pas qu'il soit possible d'être plus serviable, et moins servile."
Les auteurs sont souvent admiratifs du travail effectué par les sherpas qui ont, pour certains, pratiquement autant oeuvré en tant qu'alpinistes que les membres de l'expédition.
Une mention toute particulière pour Tensing dont le courage, la volonté et la résistance sont extraordinaires. de toute l'équipe, c'est lui qui connaît le mieux l'Everest. Il est d'ailleurs mentionné en tant que sirdar dans l'expédition du printemps mais en tant que "sirdar et membre de l'expédition" pour celle de l'automne.
En lisant ce livre, on comprend mieux l'importance qu'il a eue dans l'équipe britannique victorieuse l'année d'après, et qu'Edmund Hillary ait toujours tenu à l'associer à parts égales dans la réussite.
En tout cas, l'homme inspire respect et admiration.

Écrits à trois voix, ces récits sont passionnants et constituent une mine d'informations pour qui s'intéresse à l'histoire de l'alpinisme.
La fin est connue d'avance : les Suisses n'iront pas jusqu'au sommet, mais réussissent de précieuses avancées qui seront déterminantes dans le succès de 1953. Ils en sont bien conscients lorsqu'ils concluent : "L'aventure est terminée, l'équipe se disloque. C'est triste. Mais la « porte du sud » est ouverte."
Avant-premières à l'Everest est un classique de la littérature de montagne, à lire au même titre que Victoire sur l'Everest de John Hunt ou Au sommet de l'Everest d'Edmund Hillary.
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