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Critique de bobfutur


Il faut parfois savoir se laisser porter, prendre sans examiner un livre, venant d'une collection qui sait nous faire voyager. Je ne répèterais jamais assez l'immense valeur de ces petits poches colorés, « Motifs » bigarrés rendant grâce aux littératures voyageuses, sans les charger de trop d'exotisme.

Et puis si l'on peut faire résonner un titre avec un autre, jeter des ponts entre les lectures, juste pour voir, alors cette Phalène, grand lépidoptère crépusculaire, ne peut qu'éclore des « Nuits du papillon », ma précédente critique.

Ephémère et fragile, elle représente l'esprit d'une reine abattue, femme ordinaire et magique, victime expiatoire d'un génocide décidément impossible à romantiser, de ce Rwanda alors pays d'adoption de notre poète-dramaturge tchadien, inlassable voyageur, dont c'est le premier roman.

Façonné d'une langue superbe, profonde et érudite, comme la pratique si bien ces lettrés francophones hors de l'hexagone, variant sans cesse les registres, du magique au trivial, de la simple moquerie à la plus profonde imprécation, ce livre hésite sans cesse sur le ton à donner, se proposant de parler de manière allusive de l'après, indescriptible effroi qui ne sera ici que rarement affronté, tombant alors dans le cru d'une réalité dont ne restera que le « Kitsch » dont parle Kundera dans « L'insoutenable légèreté de l'être », une image d'Epinal forcément injuste à la mémoire des morts de ces atrocités.

La structure du récit, séparée en deux tableaux parallèles, évoque alternativement cet esprit restant frivole dans la mort, papillon moqueur livrant ces facéties aux vivants ; de l'autre côté, ce qui pourrait être notre écrivain, ou en tout cas cet étranger, courant sans cesse après une réalité que jamais il ne pourra rattraper.

Le tout semble souvent confus, vibrionnant sans jamais décider de se poser, de prolonger ces amorces de chants ou de creuser ces destins ; bref, ce récit papillonne un peu trop.

On y ajoutera le choix de l'éditeur (ou de l'auteur) de ne pas traduire, contextualiser, ou même justifier ces nombreux mots en langue Kinyarwanda (dans le sens que leur emploi semble plutôt « anarchique » que relevant d'un véritable sens), et l'on tombe du côté des écrits qui aurait eu besoin d'un véritable travail entre écrivain et éditeur, un équilibre amené de l'extérieur, une exhortation à davantage de structure.
La poésie ne semble pas suffisante à faire voler ces feuilles de papier, ce qui n'empêche d'y apprécier ses nombreuses saillies pétries d'une langue magnifique et évocatrice.
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