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Critique de michfred


Disons-le d'emblée: Troisièmes noces est un traitement de choc.

Voilà un auteur qui ne mâche pas ses mots, qu'il s'agisse de sexe, de bagarres, de décrépitude ou de douleurs physiques. Ni pudibonderie, donc, ni sensiblerie: Maarten, le narrateur, est un homosexuel cynique qui jette sur le monde et sur lui-même un regard sans complaisance et ne se dore jamais la pilule.Et il en prend beaucoup, au propre et au figuré, des pilules....

Malade- le Sida, sans doute, qui achève son travail de sape sur son corps épuisé- il sait que ses jours sont comptés, son compagnon de toute une vie, Gaétan, est mort depuis quatre ans, sans qu'il ait eu le courage de l'aider à abréger ses douleurs, son vieux père qu'il déteste cordialement, est dans une maison de retraite - alors plus rien ne le retient vraiment d'évaluer les autres à l'aune de ce qu'il pense de lui-même: pas grand' chose de bon..

Il s'embarque pourtant sans trop savoir pourquoi (l'argent? le jeu? un visage qui brusquement retient son regard blasé?) dans une affaire de mariage blanc ...avec une "négresse", la belle Tamara, débordante d'envie de vivre. Une Warrior, elle.

Tracasseries héroï-comiques de l'administration, soucieuse de dépister une arnaque aux lois de l'immigration, mariage -après un intermède primesautier avec un giton plein de piercings- visite au père, agression dans un tram, passage dans une ancienne colonie de vacances devenue centre fermé pour les immigrés illégaux...

Le mariage blanc avec une Black sexy a finalement un grand pouvoir de divertissement sur notre héros en bout de course. Un grand pouvoir sur les réminiscences de sa vie passée, aussi, qui se tisse avec justesse dans cette trame nouvelle.

Et le ton ironique, les aphorismes cyniques cachent de plus en plus mal une sorte de grâce toute laïque : avec Tamara, Maarten accède à sa propre humanité, il l'accepte et s'en trouve sinon changé du moins apaisé.

Il peut aller au devant de ce qui lui reste à vivre.

Un livre étonnant, qui fait rire, grincer des dents, qui peut aussi choquer certaines sensibilités ou certaines pudeurs, un livre talentueux et marquant, en tous les cas!

Je ne l'ai, pour ma part, jamais trouvé vulgaire ou heurtant, tant il est bien écrit-et bien traduit.

C'est surtout un livre d'une grande pudeur, où la crudité - celle des scènes finales, en particulier- la désinvolture du ton, le cynisme de la pensée , sont des défenses qui masquent -de plus en plus mal- une empathie vraie pour les laissés pour compte, les exclus, les vieux, les immigrés, les malades, hommes et femmes, victimes et bourreaux, jetés dans un jeu cruel qui les broie avec une sorte de délectation et qui s'appelle la vie.



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