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Critique de Bibalice


Dans cet essai paru aux éditions Plein Jour, Fabrice Lardreau entend étudier les Français. Pas de n'importe quels Français mais ces Français que l'on appelle "moyens" qui peuplent la "vraie" France et dont raffolent les hommes politiques, car loin de Paris et des préoccupations futiles des "bobos-hipsters". Fabrice Lardreau a décidé de voir exactement de quelle France il s'agit quand on parle de cette France-là. Ne se revendique-t-il pas "moyen" lui-aussi ? Mais qui est-il exactement et quel est donc ce peuple qui est aussi le sien ?

L'auteur s'est rendu dans un village qui a une grande importance à ses yeux, le village de Bruère-Allichamps qui non seulement est le centre exact de la France selon plusieurs mesures (toutes sujettes à caution mais peu importe) mais qui est également au coeur du film l'Argent de poche de François Truffaut, un film qui le fascine depuis de longues années. C'est que située ainsi au carrefour de la France et de son propre imaginaire de Français moyen, ce village lui permettra peut-être de révéler son identité profonde et comprendre exactement ce que l'on entend quand on parle des Français.

On découvre dans ce livre, à travers l'enquête et les interviews de l'auteur, la parole et la vie de ces habitants, à chaque fois mis en relation avec la propre vie de l'auteur. C'est peut-être un parti pris qui ne sera pas compris par tous les lecteurs mais il me semble évident que parler d'un objet culturel, politique ou sociologique implique de parler de soi. Comment comprendre quoi que ce soit si on ne le réfléchit pas à la lumière de sa propre expérience, ses propres visions ou illusions ? Si parler des autres revient de toute manière souvent à parler de soi, à parler des autres à travers ses propres yeux, ses propres expériences, ses propres insuffisances à véritablement comprendre l'autre, la dimension autobiographique est souvent absente ou disons cachée des essais qui peuplent les librairies. L'objectivité recherchée est pourtant bien illusoire. Dans ce livre, on comprend dès la deuxième page que Fabrice Lardreau ne sera pas seulement l'enquêteur mais également l'objet de son enquête.

Une enquête qui prend plusieurs formes. L'auteur explore une certaine France mythologique à travers le film L'argent de poche de Truffaut dont l'action commence dans ce village ( Les films issus ou sur un pays ne sont-ils pas des éléments de cohésion nationale, de fabrique d'une certaine société, dans le sens où ils fabriquent une mythologie commune) ; une France politique avec une analyse de l'auteur des résultats de plusieurs votes de la commune ; une France géographique avec une étude des différents lieux qui font la vie des habitants : le café du village -dont les propriétaires sont interrogés, le restaurant, les places importantes ; une France sociale aussi. Les habitudes des habitants, leurs relations le rapport des uns et des autres est ainsi disséqué, avec toujours, sur le côté cette mise en relation avec les propres habitudes de l'auteur, ses propres souvenirs. le tout avec humour souvent et nostalgie parfois.

C'est au final un essai passionnant d'un auteur curieux qui permet, loin des phantasmes et des certitudes des politiciens, d'appréhender le coeur de la France et des Français. A travers le portrait de ce village et, en creux, de cet auteur, c'est toute une vie qui se dévoile. C'est une vision, celle de l'auteur, donc. Peut-être en avez-vous une autre mais vous vous retrouverez certainement quelque part au milieu de ce carrefour invisible.
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