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Critique de frandj


J'étais très jeune quand j'ai lu ce livre (publié en 1960). A sa parution, il a rencontré un grand succès car il était vraiment en phase avec l'actualité du moment. Le contexte était celui de la guerre d'Algérie, qui polarisait entièrement la politique de la France. L'armée était alors complètement mobilisée contre les insurgés et avait soutenu les partisans de l'Algérie française. Jean Lartéguy, reporter et écrivain, s'est fait connaitre par plusieurs romans mettant en scène ces soldats qui livraient les dernières batailles de la France coloniale. Une part de l'opinion publique célébrait l'héroïsme de cette armée et croyait sincèrement à la "mission" de la France en Algérie. Je viens de retrouver ce vieux livre dans la bibliothèque de mon père. Autrefois, ce roman m'avait beaucoup marqué et j'ai eu envie de le relire pour confronter ma vision des choses en 2015 avec les lointains souvenirs de ma première lecture.

L'auteur suit le destin d'une poignée d'officiers courageux, traumatisés par la défaite de Dien Bien Phu (1954) où ils ont été faits prisonniers par le Vietminh. Libérés, ils rentrent en France où ils trouvent un climat délétère. Après le 1er Novembre 1954, ils "rempilent" pour intégrer un régiment de parachutistes, engagé en Algérie et commandé par le lieutenant-colonel Raspéguy (dont l'officier préféré est le capitaine Esclavier). L'armée traditionnelle, sur la défensive et peu mobile, s'est révélé inadaptée à la guérilla et à la "guerre révolutionnaire". Les hommes de Raspéguy vont montrer une nouvelle forme de lutte: leur engagement est total et tous les coups sont permis. Ils livrent bataille dans le djebel et participent à la bataille d'Alger, avec succès. Mais ils n'ont pas la sensation d'être soutenus et compris... La suite de leur aventure sera racontée dans "Les Prétoriens".

J. Lartéguy était un homme de droite; il était anticommuniste et patriote. Mais il ne souhaitait pas être rangé à l'extrême-droite de l'échiquier politique. Dans son livre, il dénigre sans les nommer les politiciens de la IVème République, la gauche bien-pensante et les vieilles badernes de l'armée française. En même temps, il n'éprouve pas de sympathie marquée pour les Pieds-Noirs et notamment les "gros colons" (pour reprendre le cliché habituel). De plus, il est loin de mépriser les combattants du FLN, ceux qui risquent leur peau. Cependant, son empathie ne va vraiment qu'aux officiers dont il raconte les aventures. Même quand ceux-ci se livrent - avec une conscience plus ou moins mauvaise - à des exactions, il n'encourage pas le lecteur à les juger sur un plan moral. A cet égard, il y a deux scènes-clés qui étaient restées dans ma mémoire. Dans la première, les parachutistes, ivres de vengeance après la mort de camarades tombés dans un traquenard, tuent tous les hommes d'un hameau arabe et sont ensuite couverts par Raspéguy. Dans la seconde, Esclavier en arrive à torturer lui-même un cadre FLN pour lui faire avouer où sont cachées des bombes qui exploseront le lendemain dans Alger. Chacun - Français ou Algérien - agit selon sa conscience, même s'il doit la violenter pour se conformer à un intérêt supérieur; et les rôles de bourreau et de victime auraient pu être inversés, si le destin l'avait voulu.

Pour moi, ce vieux livre est vraiment important et je regrette qu'il soit maintenant oublié. Pour nos contemporains, la guerre d'Algérie est complètement passée à la trappe de l'Histoire. Mais les questions qui se sont alors posées sont éternelles, inévitables dans tout conflit militaire. Jean Lartéguy a essayé de les aborder sans langage politiquement correct. Il faut lui reconnaitre ce mérite, même si on n'est pas d'accord avec sa vision.
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