AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de MaxSco


@Journal de bord de l'Aquarius d'@Antoine Laurent est le récit d'un jeune officier de la marine marchande qui un jour se demande quel sens il y a à parcourir les mers pour en exploiter les profondeurs - du pétrole, il nous en faut toujours plus ! – alors que cette même mer qu'il aime tant, en Méditerranée, est devenue un cimetière de réfugiés. @Antoine Laurent emploie ce mot à escient. Il ne parle pas de « migrants ». Et cet homme force le respect. Humble, comme le sont les vrais hommes de mer dont le code d'honneur semble intégré à l'ADN, il ne paie pas de mots : il quitte sa vie confortable et s'engage comme marin-sauveteur sur l'Aquarius.
L'Aquarius, tout le monde connaît. Mais quand @Antoine Laurent embarque, c'est surtout le courage et la bonne volonté d'êtres de sa trempe qui vont, surmontant les difficultés, faire de cette embarcation un espace de sauvetage emblématique. Comment ne pas concevoir une immense admiration pour ces femmes et ces hommes de nationalités diverses mettant en commun leurs savoir-faire, leur éthique et leur profonde humanité pour en sauver d'autres ? @Antoine Laurent nous secoue, tout en pudeur et en étouffant souvent sa colère. Son écriture est efficace et subtile, son témoignage bouleversant.
Aucun réfugié ne quitte son pays par « convenance personnelle ». Les réfugiés fuient la guerre, la famine, la dictature, la violence. Tous ces êtres humains ont des visages, des histoires, une douleur en partage et l'espoir d'un avenir meilleur parce que de toute façon, rien ne peut être pire que la Libye dont ils ont réussi à s'enfuir. La Libye est la dernière et terrible étape de leur chemin de croix avant l'Europe tant convoitée, imaginée, parfois fantasmée mais toujours espérée. L'Europe qui sait bien quelles ignominies sont perpétrées dans ce pays du Moyen-Orient mais s'en lave les mains. Les politiques ont confié aux autorités libyennes le sale boulot : retenir les réfugiés, les récupérer en mer pour les ramener à leur point de départ s'ils n'ont pas encore dépassé les eaux territoriales. Et peu importe ce qui s'y passe de sale. Ne rien voir, ne rien entendre. C'est abject. Il n'y a pas d'autre mot. Et c'est ici et maintenant.
Ce que ces femmes, ces hommes, ces enfants vivent est inimaginable. @Antoine Laurent nous plonge dans la réalité du sauvetage, comment il faut composer avec la mer, élément indomptable, magnifique et terrible à la fois ; comment il faut établir une logistique, ce genre de choses concrètes auxquelles nous, spectateurs, lecteurs, ne pensons pas forcément et qui justement là, vient nous nourrir d'images ; comment elle se fait, la rencontre avec les réfugiés ; comment tout ça se passe. Et puis… l'indicible. @Antoine Laurent nous parle, avec toujours cette même humilité, de la difficulté de partager ses émotions. @Antoine Laurent, comme les autres marins-sauveteurs, savait qu'il aurait à faire face à des horreurs mais personne ne peut être prêt à affronter l'innommable. Ces marins-sauveteurs, ce qu'ils voient, ce qu'ils savent, ce qu'ils supposent… tout cela dépasse l'entendement. Ce que nous donne @Antoine Laurent est précieux. Et expliqué, raconté avec beaucoup de talent.
Nous nous gaussions du mur de Trump, la mer Méditerranée est devenue exactement la même chose : un mur. En lisant cette réflexion d'@Antoine Laurent, j'ai pensé au magistral livre de @Louis-Philippe Dalembert, @Mur Méditerranée qui nous fait battre le coeur au rythme de celui des réfugiés, de trois femmes, particulièrement. Encore un ouvrage à lire. Absolument.
A lire aussi absolument celui d'@Antoine Laurent, que je viens de refermer et qui, illico, va faire le tour de tous mes amis lecteurs. @Journal de bord de l'Aquarius est un témoignage d'une puissance énorme. Et il est nécessaire, surtout en cette période où la pandémie de Covid focalise toute notre attention (pandémie qui, au passage, fait payer le prix fort aux réfugiés), de se rappeler que le combat des marins-sauveteurs n'est pas près de se terminer, que des politiques iniques perdurent et qu'en retour, la nôtre, politique européenne, est toujours aussi cynique, que les ONG effectuent un travail remarquable et que non, ces bénévoles ne sont pas des passeurs.

Alors, merci infiniment pour ce livre si profondément humain et généreux. Savoir que des êtres comme @Antoine Laurent existent est une idée très réconfortante et qui génère de l'optimisme dans une société contemporaine si violente et mercantile. Ne pas baisser les bras. Être informé. Croire en l'humain. Merci, @Antoine Laurent, merci infiniment à BABELIO de m'avoir fait découvrir @Journal de bord de l'Aquarius et merci aux éditions KERO de me l'avoir fait parvenir.

Commenter  J’apprécie          40



Ont apprécié cette critique (3)voir plus




{* *}