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Critique de Fabinou7


Les Lettres Portugaises, succès paru en 1669, font toujours l'objet d'interrogations quant à leur paternité ou, plus exactement leur parentalité, car elles furent d'abord longtemps considérées comme l'authentique et scandaleux cri du coeur d'une religieuse portugaise avant d'être attribuées à l'imagination du français Gabriel de Guilleragues (d'ailleurs, qu'en pensez-vous ?).

Le livre est court, on évite les longueurs de l'étalage des sentiments. Les transports amoureux de la religieuse portugaise sont magistraux, servis dans une langue parfaite et très fluide du XVIIème siècle.

« Je me suis laissé enchanter par des qualités très médiocres, qu'avez-vous fait qui dût me plaire ? » Les tourments dans lesquels sa passion la plonge sont millénaires : l'attente nerveuse y côtoie la colère stérile et impudique et, aux gémissements infantiles succèdent les amères et sages lucidités. Se dessine finalement tout le deuil d'une passion, la narratrice avouant sans orgueil être plus amoureuse de l'amour que du sujet amoureux, « j'ai éprouvé que vous m'étiez moins cher que ma passion ».

« Je vous ai aimé comme une insensée ». Ce qui donne son remarquable tragique à ce texte, c'est l'élan des vagues de la passion, qui inlassablement se brisent contre la digue de l'indifférence. Face à l'amour en sens unique, quel panache ! Un athée se risquerait peut-être à dire que qui mieux qu'une nonne pour nous parler d'amour non partagé ? (le comble...).

« Je me souviens pourtant de vous avoir dit quelquefois que vous me rendriez malheureuse : mais ces frayeurs étaient bientôt dissipées, et je prenais plaisir à vous les sacrifier, et à m'abandonner à l'enchantement, et à la mauvaise foi de vos protestations ». Ces fragments épistolaires d'un discours amoureux font du lecteur le destinataire des missives, la prise à témoin frôle la prise à partie. Car nous ne disposons pas des lettres réponses de « l'amant » et même si nous en devinons les contours, prenons garde à la subjectivité de la narratrice, nous aurions tous trop tôt fait de condamner l'officier français sans lui laisser la parole, méfions-nous de la vision déformée, parfois de mauvaise foi, d'une passion sourde à toute raison et qui se veut au-dessus des frontières, des rois et des guerres.

Le fait de n'avoir que la perspective de la religieuse jette un voile de mystère sur cette toile dont on ne peut reconstituer le tableau d'ensemble. Peut-être est-ce au lecteur de poursuivre cette oeuvre, de sorte qu'il ne tient désormais qu'à vous de jeter l'ancre à Lisbonne…ou sur le papier !
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