AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Quentin_Tournon


Plus je m'y penche, plus la littérature jeunesse semble me décevoir. Qu'il s'agisse de nouvelles découvertes ou de retour à des oeuvres déjà connues c'est un fait, la littérature jeunesse donne l'impression de ne plus avoir mes faveurs. C'est pour tordre le cou à cette tendance que je reviens aujourd'hui à ma saga préférée dans ce domaine, une saga qui a participé à développer mon goût pour la lecture ET pour le monde romain : Les mystères romains.

Du sang sur la Via Appia, est le premier tome de cette saga et se veux donc comme une introduction. L'objectif premier de cette histoire est donc de présenter les personnages, des les réunir et de créer entre eux des liens suffisamment forts pour justifier leur collaboration par la suite. Alors bien entendu Caroline Lawrence, l'auteure, est bien obligée de tricher un peu. le seul cas où cela semble téléphoné est l'introduction de Lupus, qui arrive un peu brutalement dans l'histoire et dont l'implication apparait un peu légère. Pour le reste cela fonctionne globalement bien. Et si cela fonctionne c'est principalement grâce aux personnages.

A tout seigneur tout honneur commençons par Flavia. Car oui si on essaye de nous vendre les aventures d'un groupe, c'est clairement Flavia Gemina qui occupe le rôle de personnage principal (cet état de fait évolue en fonction des tomes cela dit). Elle est efficacement établie dans son rôle de petite fille de famille aisée (voir riche), ce qui ne l'empêche pas de se montrer généreuse et ouverte d'esprit. Ce point là est particulièrement réussi selon moi, car, au vu du contexte historique et de l'aspect littérature jeunesse, on aurait été en droit de craindre un personnage anachronique dans son rapport aux autres. Ici on ne retrouve pas cela. Flavia semble surtout ignorante du monde extérieur, ce qui peut s'expliquer par le fait qu'elle ait été élevée par un père seul (et souvent absent en raison de sa profession) et ses esclaves. Cela justifie sans mal sa bienveillance vis-à-vis de Nubia. Pour le reste la personnalité de Flavia est correctement mise en place, nous révélant son caractère mêlant gout pour les mystères, curiosité et un certain manque de respect pour les règles.

Pour épauler Flavia le récit nous amène assez tôt Jonathan. Et quoi de mieux pour contrebalancer l'ignorance de notre personnage principal concernant l'intolérance qu'un jeune chrétien en ces temps de persécutions. Mais Lawrence a l'intelligence de ne pas baser le personnage là dessus. L'antichristianisme fait parti du monde dans lequel le personnage vit, cela existe, il connait, il a l'habitude, jusqu'au point où il s'agit de sa première hypothèse lorsque son chien est assassiné. Mais cela ne l'empêche pas d'être un garçon plein de vie et d'humour, qui s'avère également vif et réactif dans l'action.

De son coté Nubia introduit la question de l'esclavage dans la saga. Cette question étant fondamentale dans la société romaine, il était inévitable que les livres l'abordent, et en montre toutes les horreurs et toute la banalité. Ainsi ce premier tome présente la chose sans ambages et sans atténuation. L'aspect normal et accepté renforce la violence de cette pratique. Mais au milieu de tout cela la relation entre Nubia et Flavia en montre également la complexité. Certes il est indiscutable que le rapport de la famille Geminus à ses esclaves est atypique, mais elle n'est ni anachronique ni irréaliste. Nubia elle-même est encore très effacée, en raison à la fois de la barrière de la langue et de son conditionnement dans son rôle d'objet. Il est toutefois possible de discerner sa personnalité, sa douceur, sa discrétion, son empathie.

De fait, comme je l'ai déjà évoqué, parmi les personnages principaux le moins développé est sans aucun doute Lupus. Cela vient probablement du fait qu'il apparaît plus tardivement dans le récit mais surtout qu'il est introduit en cours d'enquête. Il en résulte l'impression que le personnage est défini par son rôle dans l'intrigue. En fait si on excepte la dernière scène le concernant, il aurait put être simplement un des éléments de l'enquête. Pour le reste on pose bien quelques aspects de sa personnalité mais c'est encore trop peu pour réellement le considérer au même plan que les autres membres du quatuor.

Passons maintenant aux autres personnages introduits par cet ouvrage. Les principaux dans ce domaine sont les deux « familles » du groupe : celle de Flavia et celle de Jonathan. La première se compose bien entendu du père de l'héroïne Marcus Flavius Geminus mais également, et de façon relativement pertinente historiquement parlant, de ses deux esclaves, Caudex et Alma. Marcus est campé comme un homme bon, un père attentionné, mais souvent absent. Les deux esclaves font donc office de famille de substitution. Alors il s'agit de personnages ultra-secondaires, qui ne s'éloignent pas bien du cliché mais ils font bien office de famille pour Flavia, et par extension pour le groupe, notamment Nubia. de son coté la famille de Jonathan ressemble beaucoup plus à une famille moderne. Seul figure adulte non-esclave proche nos héros Mordecaï représente donc une forme de référence, ainsi qu'une source de savoir et de sagesse. Bien entendu, étant donné qu'il s'agit d'une histoire d'enfants menant une enquête criminelle, il représente également une forme d'autorité à contourner. Miriam de son coté est surtout là pour servir par la suite, sans jouer de véritable rôle dans l'intrigue. de ce point de vue elle rejoint d'autres personnages comme Venalicius, Aristo ou Marcus Artorius Bato.

Ceci fait que vaut l'intrigue ? Alors là je suis obligé de prévenir les futurs lecteurs potentiels de refréner leurs attentes. En effet elle ne casse pas trois pattes à un canard. Rien à voir ici avec le public cible, mais plutôt selon moi une volonté de commencer en douceur et de profiter d'une enquête relativement simple et sans surprise pour mettre en place les personnages et introduire le lecteur à cet environnement nouveau. Après simple ne veux dire ni simpliste ni stupide ni inintéressante. Et puis cette histoire de meurtres de chiens elle touche directement les personnages (de même que les lecteurs), tout en justifiant que les autorités ne s'occupent pas de l'affaire. Et sans m'avancer la suite de la saga démontera que Caroline Lawrence sait quand elle le veut écrire des intrigues plus complexes et plus riches. Un choix donc délibéré ici, celui d'une intrigue relativement simple mais savamment menée et racontée. Car la vraie force de ce livre repose d'abord et avant tout dans le style de Lawrence, dans les personnages, rapidement attachants et dans le contexte historique passionnant.
Alors oui, en tant que plus qu'amoureux d'histoire romaine je manque probablement d'objectivité dans ce dernier domaine. Les mystères romains a comme défi de placer son intrigue dans cet environnement antique de façon réaliste sans perdre le jeune lectorat. Défi doublement réussi. le monde romain est très bien présenté à travers ses différents aspects des plus banaux aux plus majeures. Cela permet également de mettre en avant tant les similitudes avec notre propre société. L'amour de Caroline Lawrence pour ce monde est palpable, sans nullement s'aveugler sur ses aspects les terribles (esclavage, mendicité…). Encore une fois ce tome nous propose une simple introduction, mais on voit déjà apparaître un premier élément récurrent de la saga, la présentation d'éléments de la mythologie romaine. Ici nous commençons en douceur avec simplement la description de Cerbère, utilisation qui sert d'ailleurs une certaine scène.
Sans spoil, cette scène précise témoigne de la dureté dont est capable la saga. Littérature jeunesse ou pas, Les Mystères romains n'hésitera pas à confronter son lecteur aux aspects les plus sordides ou les plus terribles. Si le crime sur lequel se base l'intrigue est limité en termes de gravité, le reste du récit n'hésite pas à aller loin dans ce qui est raconté. Sans violence gratuite ou exagérée, rien n'est non plus édulcoré. A ce titre, l'histoire d'Avitus résume bien cet aspect. Terrible et sans pitié. Et la dernière scène du roman annonce l'ampleur que n'hésitera pas à atteindre la saga, résumable en un seul mot :
Commenter  J’apprécie          20



Ont apprécié cette critique (1)voir plus




{* *}