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Critique de mesrives


Un cabotage existentiel dans le sillage de L'homme qui aimait les îles, de D. H. Lawrence. Trois escales, trois îles, un texte qui aurait pu être l'esquisse de trois tableaux de marine, le thème et le titre s'y prêtaient.

Trois étapes, trois métamorphoses d'un projet ambitieux: créer un univers, un monde à soi, dans un espace clos par les flots. 
Espérer une renaissance dans un lieu idéal, ordonné, loin de la foule et du chaos d'une société d'après guerre bouleversée, en créant une communauté factice où les élus qui accompagnent le protagoniste, "l'insulaire", ont été choisis avec habileté.


Aborder la première île pour y faire son nid, un cocon douillet où ne peut éclore que le bonheur, puis la fuir et l'oublier.
Accoster la deuxième pour y trouver refuge, se déshabiller, défaire les mailles du filet, le trouer et s'échapper encore pour ne pas être piégé.
Enfin jeter l'ancre sur la troisième, s'arrimer à cette ultime parcelle de terre, fixer l'horizon sans que plus aucun signe de vie ne s'y dessine et peut-être enfin accueillir la plénitude, le néant ou une révélation.


Avec L'homme qui aimait les îles, nouvelle écrite en 1926, soit quatre ans avant sa mort, D.H. Lawrence semble nous dire que le bonheur ne réside ni dans un lieu idéal, parfait ou perfectible, ni dans une quête matérialiste mais dans un lieu intime, un îlot imprenable que chacun d'entre nous cache au fond de lui comme un trésor enseveli et, qui ne demande qu'à se réveiller par le biais d'une quête intérieure spirituelle voire mystique libérée de toutes entraves.

En tout cas une navigation inattendue dont les escales nous invitent à profiter de l'empreinte des saisons sur les paysages grâce à l'oeil averti de notre protagoniste, botaniste et naturaliste.

Utopie ou dystopie? il faudra suivre les rêves, les errances, les cauchemars et les désillusions de Cathcart, anti-héros plus qu'héros de cette nouvelle pour apprécier le spectacle final dont la chute offre aux lecteurs de nombreuses pistes de réflexions et interrogations. Une partition marine, sombre et lumineuse, dans les brumes celtiques où il dérive tel un bateau fantôme à la lueur d' Orion et Sirius.


La préface de Thierry Gillyboeuf nous éclaire sur la genèse de L'homme qui aimait les îles : un texte en fait nourri de la vie personnelle et privée de D. H. Lawrence avec notamment la référence à "Rananim"une des petites communautés utopiques créées par l'écrivain, des expériences décevantes qui le feront renoncer à la quête d'une île géographique réelle et d'un lieu rêvé.

Une nouvelle crépusculaire, un conte philosophique portés par une écriture sobre, lyrique et poétique. Une introduction pour découvrir peut-être une autre facette de ses talents, le récit de voyage Crépuscule sur l'Italie.
Un texte beau et émouvant à lire et à relire.
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