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Critique de JeanLouisBOIS


Une histoire de paradoxes.
Les journalistes vous diront que le mur de Berlin est aussi tombé sur PCF (Parti communiste Français) et que ce dernier ne s'en est pas remis. L'art de la formule est toujours racoleur et simplificateur. Incontestablement, du point de vue strictement politique, le PCF est mort et enterré et ne dispose plus que d'une influence marginale. Mais ce parti qui a eu pignon sur rue depuis plus de 70 ans en France, a laissé des traces autres que partisane. En 2002, Marc Lazar, éminent historien, en nous rappelant que le PCF (et le communisme) était encore bien présent dans le paysage politique français, essayait de répondre à une question déroutante : comment le PCF avec toutes ses erreurs, tous ses échecs, tous ses désastres peut-il encore susciter en France, dans une grande partie de la population, une telle bienveillance, one telle complaisance et même parfois une telle séduction ?
Marc Lazar balaie la période de 1920 à nos jours selon un schéma thématique pour aborder le communisme en France sous différents éclairages. Il met ainsi en évidence cinq « passions » qui permettent de mieux cerner et de mieux appréhender les ressorts de la présence du PCF. Il distingue ainsi la passion soviétique, la passion nationale, la passion totalitaire, la passion sociale et la passion eudémonique. Il montre aussi que ces différents traits agissent en complémentarité et ne sont séparés que pour la clarté de l'exposé. Vues l'ampleur et la complexité des notions mises à coopération, il n'est pas étonnant que le PCF ait pu jouer sur différents registres pour exploiter ou se sortir des situations auxquelles il a été confronté. On constate à chacun des chapitres de nombreux « paradoxes », soulignés par l'auteur et qui caractérisent la « ligne » du Parti, souvent flottante, brisée et valable seulement pour le lieu et l'instant où elle a été définie. Conjuguer fidélité indéfectible à l'URSS et défense de l'intérêt français, internationalisme prolétarien et patriotisme national, fascination pour un pouvoir fort et accommodements avec la démocratie, égalité la plus extrême et hiérarchie très organisée et très contraignante du Parti, refus de toute religion et promesses de lendemain qui chantent. Toutes ces contradictions relèvent de l'exercice d'équilibriste pour un parti politique. On peut ajouter que le mot « passion » est particulièrement bien choisi car il désigne ce que l'on subit, principalement les affects, les sentiments et les inclinations, les humeurs et tout ce qui ne s'explique pas par la raison, sachant qu'initialement elle s'accompagne de souffrance, de douleur (la passion du Christ). Ce livre se présente donc comme une invitation à repenser le communisme français dont l'avenir est à rechercher dans son passé et dans la représentation souvent flatteuse qui surnage. Aujourd'hui, sa présence repose sur des aspects symboliques : le PCF devient une sorte de marqueur d'un peuple de gauche largement fantasmé et nostalgique qui répugne à s'en détacher sans déchirement. L'auteur souligne avec pertinence que si le communisme s'est si bien implanté et maintenu en France, c'est aussi parce qu'il répond aux attentes du confort intellectuel français et l'on peut considérer alors cette étude comme une analyse des représentations d'une certaine partie de la société française au XXe siècle.
En 2002, Marc Lazar développait de nombreuses idées qui deviennent chaque jour plus évidentes et même certaines notions apparaissent encore percutantes comme les rapports du PCF et de la politique, du PCF et de la démocratie. L'analyse historique montre que le communisme français (et pas seulement le PCF) ne s'appréhende pas seulement et peut-être pas essentiellement dans sa dimension de parti politique. Il semble davantage se présenter et se penser lui-même comme une « contre-société », une sorte de secte sans Dieu qui agit presqu'accessoirement et à regret dans le domaine public. le PCF hérite d'une idéologie qu'il reprend à son compte, c'est une utopie globale qu'il essaie d'acclimater à la France mais qui, ne résistant pas à l'expérimentation grandeur nature, ne peut se réfugier que dans un âge d'or sublimé par ses bonnes intentions initiales. On peut en conclure que, dans le domaine de l'idéologie, l'insidieuse hypocrisie communiste paie davantage que la brutale franchise fasciste.
Personnellement, je trouve que cet excellent volume n'insiste pas assez sur l'énorme responsabilité des intellectuels (philosophes, journalistes, universitaires, sociologues, …) et surtout sur leur absence de recul critique face à une pure idéologie destructrice à laquelle ils ont activement participé tant par leurs écrits que par leurs activités : la liste est longue des anciens compagnons de route. Peut-on encore les appeler des élites ? Ils ont eu bien du mal à se défaire de leurs anciens oripeaux qui ont fait les beaux jours de leur jeunesse et de leur prestige. Cette restriction ne doit pas nous empêcher de goûter pleinement notre plaisir de tenir enfin un livre de référence qui tente d'embrasser l'ensemble des facettes du PCF et plus largement du communisme en France grâce à une vraie distance par rapport à son sujet et à de nombreuses pistes d'interprétations claires, construites et ouvertes.

Lien : http://oliviermilza-de-caden..
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