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Critique de Bougnadour


En 1991 avec la fin de la perestroïka il y avait de quoi s'inquiéter pour le fond de commerce de John le Carré, la fin de l'URSS serait elle la fin de l'espionnage Est – Ouest ? La Maison Russie fut la démonstration qu'un changement de régime n'efface pas les rivalités, que les vieilles habitudes reviennent au galop. L'Ouest et la nouvelle Russie avec leurs milliers de bombes nucléaires ne pouvaient pas se désintéresser des forces de l'adversaire et ramener les espions à la maison.

Barley Scott Blair éditeur anglais de deuxième zone n'est pas venu au salon littéraire de Leningrad organisé par le British Council, c'est un de ses confrères qui recevra discrètement un manuscrit à son attention. Blair dans une visite précédente avait croisé la route d'un savant soviétique pacifiste, convaincu que l'Ouest devait connaitre l'état réel de l'arsenal soviétique et que Blair pouvait être un coursier fiable. Ces carnets aboutissant à la Maison Russie l'officine anglaise en charge de l'espionnage en Russie vont provoquer un choc jusqu'à Washington. Selon cette source l'armement nucléaire russe n'est pas performant et ses missiles particulièrement imprécis.
Les conséquences de la révélation peuvent être ravageuses pour le complexe militaro-industriel américain qui ne pourra plus justifier sa course à la performance. Cette intro nous vaut un savoureux passage sur la paradoxale panique déclenchée par un adversaire qui ne fait plus peur.
Mais ces informations sont-elles sûres ? n'est-ce pas une désinformation russe ? Pour en avoir le coeur net la CIA et la maison Russie vont convaincre Blair de devenir un agent secret, puisqu'il est le seul à qui la source accepte de parler.

Voilà le diabolique point de départ d'un roman où le malheureux Blair accompagné des lecteurs va être le jouet de la machinerie des services anglais et de leurs maitres américains. le génie de la Carré est de créer des héros complexes, souvent idéalistes qui sont conscients de jouer avec le feu dans un univers sans scrupules mais qui ont envie de sauver l'honneur de l'humanité.
Blair est un éditeur dilettante, un buveur invétéré, un divorcé coureur de jupons et un joueur de saxo non sans talent mais sans la moindre qualité pour faire un agent fiable.
S'il s'est plié de bonne grâce à la formation et aux consignes de la Maison Russie, Blair n'est jamais exactement là où on l'attend, ses fantaisies, son ironie et sa capacité à tomber amoureux font que, une fois lâché à Leningrad, ses pilotes le voient comme une grenade dégoupillée.
Au-delà du suspens sur la véracité de la révélation initiale, le lecteur tremble pour Blair. Dans les romans de le Carré le naïf en prend en général pour son grade, à moins qu'il ne soit plus malin qu'on le croit et arrive à limiter la casse.

La Maison Russie n'est pas à la hauteur des très grands le Carré (L'espion qui venait du froid, La Taupe, les gens de Smiley, Un pur espion...) mais il est de haut niveau (pas mal de points communs avec Comme un collégien) et représente une passerelle avec les romans de l'après-guerre froide dans lesquels le cynisme des dirigeants est moins impitoyable, où les idéalistes ne sont pas toujours broyés par les intérêts supérieurs des états. Ce qui ne change pas c'est le portrait des hommes en gris, toujours manipulateurs, persuadés que la fin justifie les moyens mais qui finalement ne sont pas plus avancés qu'au début.
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