Mon premier
Hervé le Corre et un énorme coup de coeur !
Quel souffle anime ce roman total qui embrasse tous les genres romanesques sans entrer dans aucune case !
- un polar : on suit la traque d'un tueur en série atypique qui commet d'atroces crimes en hommage à l'oeuvre de son ami, le poète Isidore Ducasse,
Les Chants de Maldoror signés sous le nom du Comte de
Lautréamont, dans laquelle il lit une prophétie des temps à venir. Cette idée assez géniale est parfaitement maitrisée, on retrouve même plusieurs fois Isidore Ducasse dans le roman, c'est même lui qui accélère la résolution de l'enquête.
- un roman noir : l'identité du sérial killer est rapidement dévoilé, pas de faux suspense, mais une plongée assez stupéfiante dans sa psycho délirante. Un peu comme si la créature avait échappé à son Frankenstein de créateur, belle métaphore de la puissance de la littérature.
- un roman historique : la toile de fond de ce roman est le
Paris de 1870, à la veille de la chute du Second Empire de
Napoléon III, dans une ambiance fin de règne où tout se délite et où tous les espoirs sont également possibles. On découvre un autre
Paris, celui des faubourgs ouvriers, des bas-fonds. L'inspecteur Letamendia a du mal à supporter les priorités de sa hiérarchie obnubilée par la répression des émeutes ouvrières. Sur la fin du roman, on glisse vers la guerre contre les Prussiens et vers la naissance de la Commune.
- un roman social : la classe ouvrière est magnifiquement décrite, exploitée, réprimée, vivant dans la misère mais solidaire, avec de superbes personnages, d'Etienne l'ouvrier républicain plein de révolte à Sylvie, digne prostituée dans un bordel fréquenté par le tueur. Y a du
Zola dans l'évocation de ces prolos, y a du Hugo dans la description des émeutes organisées par les syndicats et l'Internationale ouvrière.
Le tout porté par une superbe écriture à la fois travaillé et gouailleuse.
Dense, passionnant, très impressionnant !