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Critique de maevedefrance


Le pitch : "Monsieur Viannet a cinquante ans. Il vit avec sa femme dans un minuscule appartement glacial, du côté de Bastille, où les courants d'air ne chassent plus l'odeur du tabac. Monsieur Viannet a autrefois été bel homme. Monsieur Viannet a autrefois été sportif. Monsieur Viannet a fait l'armée. Monsieur Viannet a des enfants qu'ils ne voit plus. Monsieur Viannet, surtout, a été acquitté après avoir été accusé du meurtre de son père. (...) Monsieur Viannet appartient à ce qu'il est convenu d'appeler le quart-monde".

Voici un petit extrait de la quatrième de couverture. Vous l'aurez compris, on n'est pas dans le registre feel good mais dans celui du réalisme social. Véronique le Goaziou est sociologue et chercheuse. Par l'entremise de la narratrice, elle nous immisce dans l'intimité du couple Viannet. Cette narratrice est "cadre dans un cabinet d'études qui réalise des sondages et des enquêtes sur des faits de société". Elle a "été contactée par une association nationale de réinsertion sociale. Spécialisée dans l'hébergement de personnes en grande difficulté, cette association souhait[e] mener un travail sur ce [que sont] devenus ses anciens résidents". Cependant, la narratrice, avant d'envoyer des enquêteurs sur le terrain, décide de "réaliser [elle-même] quelques entretiens". histoire de se "faire une idée du public" et "tester les questions" . Monsieur Viannet est d'accord.

Accompagné de la narratrice, le lecteur pénètre dans le minuscule appartement de Monsieur Viannet, qui, en décapsulant bière sur bière, télé en permanence allumée, va dévoiler sa réalité. L'homme y vit avec sa femme, de père algérien. Les disputes du couple rythment le récit, qui font écho aux bouteilles de bière qu'ingurgite Monsieur Viannet. Y ajouter la fumée des cigarettes que le couple grille comme des petits pains et vous sentez l'ambiance.
Monsieur Viannet dévoile sa vie, passée et présente. Il a tué son père (mais on comprend pourquoi au fil du récit), il a été trimbalé toute son enfance de foyer d'accueil en foyer d'accueil ; les foyers de réinsertion, à l'âge adulte, ont pris le relais quand il est sorti de prison, puis les hôtels. Sa femme a fait de la prison à 15 ans. Monsieur Viannet va vous dévoiler les conditions des centres d'hébergement, de réinsertion, etc., censé aider les gens en grande difficulté ; celle de la prison ; ses enfants placés en famille d'accueil, eux aussi ; l'endettement et son cercle vicieux. L'absurdité de la société finalement.
Une vie brisée avant même d'avoir commencé ou presque. Dès le début, à l'instar de la narratrice, vous êtes mal à l'aise.

Un roman entre questions et silences, où pourtant l'essentiel se devine en creux et vous renvoie comme un miroir toute l'absurdité du monde contemporain, de la société, pour votre plus grande horreur. Parce que Monsieur Viannet n'a rien de différent de vous, si ce n'est que sa vie a mal commencé et que les institutions et infrastructures mises en place pour aider à sortir la tête de l'eau ne sont finalement que des rouleaux compresseurs supplémentaires, à leur insu. Monsieur Viannet est vraiment un homme seul. Tout seul. "Il est complètement parti. Entre l'éveil et le sommeil. Des brumes dans le cerveau." Monsieur Viannet est un mort vivant (d'ailleurs, il ne sort plus de chez lui), dans un logement qui est comme une nouvelle prison, à ciel ouvert. Monsieur Viannet est le marginal que vous pourriez être, vous aussi, notamment si votre vie avait mal débuté, mais pas que.

Véronique le Goaziou ne porte pas de jugement. Elle donne à voir avec pudeur. Un récit dialogué aux phrases courtes. La vérité n'en est que plus criante.

Un roman à la trempe "beckettienne".

Soyez assis quand vous lirez la fin...
Lien : http://milleetunelecturesdem..
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