AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de NovaBaby


Je suis éducatrice spécialisée. Si j'ai beaucoup travaillé (et encore actuellement) dans le domaine plus spécifique du handicap, je fais quand même partie de la grande famille des travailleurs sociaux (et je m'en souviens régulièrement quand je rencontre les familles, notamment).

Entre mes stages et les remplacements que j'ai pu effectuer, j'ai bossé avec des gamins placés, avec des jeunes qui ne trouvaient pas de logement, et (très peu) en post-cure pour usagers de drogue. J'ai travaillé dans des lieux où Monsieur Viannet aurait pu séjourner, dans lesquels il aurait pu bénéficier d'un accompagnement. Peut-être du mien.

Et ça m'a sérieusement piquée.
Parce qu'on a beau être motivé, on a beau avoir envie d'aider au mieux les personnes qu'on accueille, ben ça ne "marche" pas à chaque fois. Statistiquement, ça "marche" assez peu. Et j'en profite pour une petite parenthèse "politique", ça va pas s'arranger. Entre les coupes franches dans les subventions et le personnel auquel on demande de plus en plus une démarche quantitative plutôt que qualitative, évidemment qu'on s'occupe moins bien de notre travail et que dans certains domaines, les personnes concernées deviennent de plus en plus facilement des dossiers.

Monsieur Viannet est réaliste. Les dialogues, les situations, les faits, pourraient être réels. Il est passé par la case foyer, par la case prison, par la case centre de réinsertion, il est allé en cure, en post-cure. Monsieur Viannet n'a pas d'avenir et son passé est trop dur pour qu'il s'y penche. Monsieur Viannet fume des clopes, boit des bières, regarde la télé et ne sort plus de chez lui. Monsieur Viannet n'a plus grand-chose d'autre.
Et l'enquêtrice face à lui, engagée par une asso qui a un peu suivi l'homme quelques années plus tôt, s'en rend vite compte. Il se dégage de lui de la résignation, une certaine idée de la fatalité, mais pas de désespoir, parce qu'il est au-delà de ça, déjà.

Elle va essayer de rester "à sa place", de trouver la "bonne" distance, de ne pas trop s'impliquer émotionnellement. Comme n'importe quel travailleur social, au final. Et ça va être difficile, parce que Monsieur Viannet n'est pas qu'un numéro de dossier, c'est un homme, avec du sens de l'humour, des colères, une histoire et une épouse. Cette femme va un peu trianguler la relation, l'apaisant, complétant les réponses de Monsieur Viannet ou au contraire en attisant sa colère.
Monsieur Viannet est lucide, conscient de sa situation. Sa vie a "glissé", c'est son expression, elle a "glissé" dès le début. Tout le monde n'a pas la même chance au départ, et il n'en a pas eu du tout. Pareil pour sa femme. Avoir une vie normale après ça ? Difficile. Impossible, peut-être.

En tout cas, lui, les institutions, programmes, cures, formations ne l'auront pas aidé. Pas assez.
C'est un roman pessimiste et dur, mais c'est aussi un roman plein d'humanité. Je l'ai aimé, j'y ai reconnu des situations, des choses que je côtoie. C'était un peu déprimant parce que ça a fait mal à ma vocation, mais même si je peux être carrément cynique, je suis aussi une optimiste. Et je suis certaine que Monsieur Viannet n'a pas à être la règle.
Lien : https://delaplumeauclic.blog..
Commenter  J’apprécie          56



Ont apprécié cette critique (5)voir plus




{* *}