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Critique de cedratier


« Les évangiles du crime » Linda Lê (Bourgeois, 258 pages)
Noir ! Noir intense et profond, presque sans issue. Première découverte de cet auteur via ces (quatre) « Évangiles du crime », qui laisseront sans doute des traces, ce n'est pas le genre de livre qu'on oublie une fois refermé, tant ça « secoue ». Quatre récits donc, apparemment indépendants, mais avec comme lien entre eux à chaque fois une histoire de mort atroce, même si on ne verse (presque) jamais dans le gore. Dans les trois premiers il s'agit d'un suicide, dans le dernier d'une anthropophagie. J'ai envie, sans entrer dans les détails scénaristiques, de m'attarder un peu sur l'écriture de Linda Lê : elle utilise des structure narratives différentes pour chaque séquence, ici le récit d'un témoin de hasard qui enquête sur un suicide, là des bribes d'enquête policière, ailleurs des souvenirs d'un des acteurs du drame, plus loin des échanges épistolaires. Mais comme lecteur, on se sent chaque fois très vite prisonnier du texte, car Linda Lê s'immisce dans ses histoires par des réflexions profondes, qui font mouche par leur justesse, fussent-elle très dures à admettre. Elle pose des faits qui s'emboitent de telle manière qu'on voit les protagonistes se diriger droit vers l'issue fatale, sans sortie de secours possible. D'autant qu'un autre trait commun à ces récits, c'est la folie, la schizophrénie même dans lesquelles sont pris les personnages. Elle dépouille ainsi avec une lucidité terrible les liens passionnels et leur dérive, les liens filiaux et ce qu'ils peuvent engendrer de pathos. Par ses analyses rigoureuses et quasi cliniques des situations qu'elle nous décrit, elle nous met à une certaine distance des personnages, mais pas trop, on sent tout ce qui pèse sur eux, on entre en empathie.
La dernière nouvelle (si l'on peut parler de nouvelle) est particulièrement réussie, c'est là que j'ai trouvé la seule trace d'humour, lorsque l'un des personnages fait un parallèle mordant entre anthropophagie et plagiat, il y a là quelques passages d'anthologie sur l'écriture, la littérature et les littérateurs.
C'est implacable, brillamment écrit mais sans artifice, désespérant (on n'ose se demander ce qu'a pu vivre l'auteur pour être capable de produire ces lignes, mais c'est une question sans objet ici). C'est psychologiquement (et/ou pathologiquement ?) très bien vu, puisqu'elle ne cesse de déshabiller cet autre lui-même qui vit en chacun de ses personnages (et de chaque lecteur ?).
Noir intense et profond, presque sans issue… sauf (peut-être, peut-être ?) à la dernière page. Bref, c'est un sacré super très bon bouquin, d'une très grande originalité, qui donne envie de vite découvrir mieux Linda Lê.
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