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Citations sur L'Histoire des mythes fondateurs : Voyage dans l'imag.. (8)

Tout mythe contemporain prend-il appui sur un plus ancien?
Jean-Loic Le Quellec : Tous, je ne sais pas, mais il est certain que beaucoup s'appuient sur des récits anciens. En matière de mythes, la création est continue, puisqu'il s'agit d'une parole, par définition mouvante. En revanche, il n'existe pas de création ex nihilo, dans ce domaine comme dans les autres d'ailleurs. Les personnes qui colportent actuellement des récits complotistes n'ont par exemple pas conscience qu'elles reprennent souvent des thématiques du Moyen Âge. Le discours antivax expliquant que l'on nous empoisonne et que des personnes juives aux connivences tentaculaires avec la finance sont secrètement à la manoeuvre rappelle le récit médiéval du juif empoisonneur, tout en brodant sur le vieux schéma « on nous cache tout, on ne nous dit rien ». Ce type d'histoire plaît à beaucoup parce qu'il leur semble éclairant. Il provoque un effet de sidération en donnant des explications qui associent plusieurs éléments qu'on n'aurait pas pensé mettre en rapport, par exemple le vaccin et la technologie 5G.
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La seule chose que toute l'humanité a en commun en ce domaine, c'est de raconter des histoires différentes en les tenant localement pour vraies. Aussi si je n'entends jamais qu'une de ces histoires, je ne m'aperçois de rien, mais, au contact de plusieurs, le problème commence. Peu de possibilités s'ouvrent à moi : soit une seule d'entre elles est vraie et toutes les autres sont fausses, soit elles sont toutes fausses, mais elles ne peuvent être toutes vraies à la fois. Cette difficulté explique l'état actuel du monde. Des gens se massacrent en pensant qu'une de ces histoires est la seule vraie et que toutes les autres sont fausses. Sur l'ensemble de la terre, des intégristes de tout poil, des suprémacistes blancs, des islamistes, des survivalistes... se racontent une histoire qui justifie le monde et lui donne un sens. Au lieu de la défendre par la parole, avec des discussions et, éventuellement, des engueulades, certains le font de façon offensive, par les armes. Le récit auquel ils croient leur paraît tellement vrai, tellement important qu'il leur semble primordial que les autres y adhèrent, fût-ce sous la contrainte. Il me semblerait important de parler de ce genre de choses sous cette optique à l'école. Car comprendre que ces histoires ne sont vraies que pour ceux qui y croient est essentiel.

(Jean-Loic Le Quellec)
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Nancy Huston : Les gens naïfs, prêts à avaler ce qu'on leur présente comme étant la vérité, acceptent comme un tout ce qui n'est qu'une petite partie. Il est impossible de dire toute la vérité. C'est bien pour cela que nous avons inventé Dieu : pour pouvoir se dire que quelqu'un, au moins, saisit toute la vérité.

.... Comment, alors, accéder à la vérité ?

N.H. La vérité ne vient pas avec le langage pour la dire et elle est impossible à dire pleinement et entièrement. D'où l'importance de connaître des faits, de partager des récits historiques. Car plus on est conscient du fait qu'il s'agit de points de vue, plus on est intelligent. Pendant des générations et des généra- tions en Europe, les enfants ont appris à l'école que Christophe Colomb avait découvert l'Amérique en 1492. Or, pour des millions d'autres personnes, cet événement a été enseigné comme une catastrophe totale puisqu'ils habitaient, occupaient, cultivaient et embellissaient ce continent depuis des millénaires et n'avaient pas besoin d'être découverts. De même, la date de 1492 correspond à notre calendrier qui débute à la naissance de Jésus-Christ, mais pour eux, c'est une autre année ! Il s'agit de deux manières différentes de parler d'un même événement.
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Nancy Huston : C'est un fait : les femmes lisent des romans quand les hommes leur préfèrent des livres d'histoire, d'idées, de philosophie, de sociologie, bref des essais.
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Vous écrivez : « La spiritualité est la célébration du lien entre humains. » Qu'entendez-vous par là?

Nancy Huston : La philosophie occidentale donne une valeur suprême à l'individu en oubliant qu'il s'agit d'un concept récent. Pendant des millénaires, l'humanité a vécu sans passer par la valorisation de l'individu. On peut lire fréquemment que les êtres humains étaient d'abord des individus solitaires et ils auraient compris que leur intérêt était de collaborer et de vivre en société. Or, la société précède l'individu en quantité invraisemblable de millénaires ! Tous les primates supérieurs grandissent et vivent en société : impossible d'imaginer la survie sans le mâle alpha, la collaboration pour la défense et la recherche de nourriture. La spiritualité surgit dans cette collaboration nécessaire des êtres humains entre eux. Elle est le lien à autrui. Une des étymologies du mot « religion » est « relier ». Les gens qui se considèrent comme « sujets autonomes » sont enracinés dans l'illusion. Ils oublient tout ce qu'ils doivent aux autres.
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Nancy Huston : Notre fragilité nous oblige à nous lier entre nous pour la survie de notre espèce.



.... Par quoi passe cette solidarité de groupe? Nancy Huston : Par le langage et le récit de ce qui est arrivé à notre groupe. C'est la naissance de ce que j'appelle « l'arché-texte ». Eux (les méchants) menacent ce que nous (les bons) avons de plus précieux : notre liberté, notre civilisation, notre foi, nos femmes, nos richesses, notre intégrité territoriale, etc. Ce besoin de nous défendre « contre eux » donne énergie et solidarité au groupe dont les membres sont alors prêts à coopérer pour leur survie. Ce récit de type manichéen se retrouve encore aujourd'hui dans toutes sortes d'artefacts de la culture populaire (Star Wars, etc.) tout comme dans de nombreux discours politiques - je ne donnerai pas de nom!
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Mythologique, historique, religieux ou littéraire, tout récit est fiction, relève l'écrivaine Nancy Huston. Ces histoires sont autant de points de vue sur la réalité du monde et des êtres. Savoir qu'il n'y a pas de vérité absolue, dit-elle, nous rend plus intelligents et contribue à la paix.
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Comment reconnaître un mythe?

Jean-Loic Le Quellec: Cette question de la croyance et de la véracité est à l'origine de toutes les autres réflexions. On reconnaît comme mythe la vérité des autres, à laquelle on ne croit pas soi-même. Par définition, le mythe est une histoire d'une certaine importance, qui touche à autre chose que la simple vie quotidienne. Une histoire qui dit le vrai sur le monde, ajoute du sens et fédère un groupe. Pour les gens qui l'énoncent dans leur culture, le mythe dit toujours le vrai. En revanche, la culture d'à côté considère celui des voisins comme erroné. (...) Conclusion: nous serions le seul peuple au monde à ne pas avoir de mythes puisque nous n'avons aucune distance avec nous-mêmes !
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