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Critique de CDemassieux


Le présent essai se penche sur l'industrialisation de la France qui a été nettement plus lente que celle du voisin outre-Manche et plus tard l'Allemagne : « le développement y est si lent que c'est une évolution plus qu'une révolution qu'il faudrait évoquer. » Cette lenteur s'explique par les remous de notre Histoire – Révolution française, guerres napoléoniennes – mais pas seulement ; elle trouve ses racines dans la noblesse française : « Car la France a encore un régime issu de la féodalité, avec ses multiples règlements qui sont autant d'entraves au développement capitaliste. » Et de fournir des exemples effectivement parlants.

Aveu d'une réalité difficilement admise par certains, c'est la bourgeoisie qui sort vainqueur de 1789 et pas le peuple : « En abolissant les privilèges de la noblesse et les multiples réglementations qui entravent la marche des affaires, la Révolution favorise surtout le règne de la libre entreprise, le développement du capitalisme. » Cependant, nettement plus frileux que les Anglais, aristocrates et bourgeois – ces derniers rêvant de ressembler aux premiers –, investissent moins qu'ils placent leur argent pour en obtenir des rentes confortables.

La structure bancaire française n'est en rien comparable à celle de l'Angleterre. Par exemple, « en Grande-Bretagne, lorsque des banques locales se développent, c'est sur une surface étendue. Elles se constituent en sociétés par actions et non, comme les banques françaises, en maisons familiales, et ouvrent des succursales pour recueillir les dépôts du public et les prêter aux entrepreneurs ». Autrement dit, l'argent circule mieux outre-Manche. En France, « bien que le crédit et le système bancaire se soient développés, la structure de la banque ne favorise pas un capitalisme dynamique et entreprenant, mais plutôt un capitalisme de rentiers. » Ce capitalisme de rentiers incite donc peu à l'investissement qui dynamiserait l'économie. Vient se greffer là-dessus la question des ressources – le charbon en tête qui fait défaut par rapport à l'Angleterre –, qui ralentit le dynamisme industriel.

La France connaîtra toutefois un bon avec l'avènement du Second Empire, sans toutefois rattraper son retard. Mais, là encore, l'État sera omniprésent dans le développement industriel qu'il impulsera entre autres avec celui du chemin de fer. Tandis qu'ailleurs les entrepreneurs comptent sur eux-mêmes, les industriels français comptent plutôt sur l'État, avec notamment ses lois protectionnistes.

Là où, en Angleterre, les populations se concentrent volontiers dans les grands centres industriels, en France, ces populations sont plus dispersées sur le territoire : « La structure de la population active reflète le retard de développement du pays. » Autre frein, la démographie : « La faible augmentation de la population limite la progression des débouchés de l'industrie et le dynamisme des marchés. »

Quant à la paysannerie, elle « s'est accrochée à ce qu'elle avait conquis dans les années de révolution, [gardant] ses illusions de petit propriétaire se croyant indépendant, alors que l'évolution capitaliste l'a broyée inéluctablement ». Autre élément : les produits sont alors peu achetés par une population rurale dominante et faiblement consommatrice.

Et c'est à partir de la seconde révolution industrielle – liée à de nombreuses innovations comme l'électricité ou le moteur à explosion – que la France prend vraiment son essor.

Côté ouvriers, « la féroce exploitation de la classe ouvrière » sera longtemps une cruelle réalité dans un monde de « bagnes industriels » à l'époque. Et l'auteur de rapporter les propos d'un ouvrier tisserand de Rouen : « Nous naissons dans l'indigence, nous vivons dans la misère, nous mourons dans la pauvreté. Notre existence est une longue suite ininterrompue de souffrances. »

Conclusion, même si cet essai fleure bon l'idéologie communiste et son cortège de poncifs – de la Commune de 1871, qui se proposait de tout détruire même le Louvre, à la colonisation qui justifie aujourd'hui chez certains, à titre de repentance, d'accepter le voile sur des petites filles de six ans par exemple ! –, Alain Lecaire n'en fait pas moins preuve d'une grande érudition. On saluera enfin le recours à des exemples tirés de la littérature du XIXe siècle, notamment dans les oeuvres De Balzac et Zola, et qui donnent un poids supplémentaire à cet impeccable travail d'Histoire.

(Remerciements aux éditions Les Bons caractères et bien sûr à Babelio)


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