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Critique de YvesParis


Après Vichy dans les années 90, la colonisation semble constituer ce "passé qui ne passe pas" de la première décennie du XXIème siècle. Présentée caricaturalement, la thèse de ceux que Daniel Lefeuvre appelle les Repentants est simple : la France a commis avec la colonisation un crime dont elle paie aujourd'hui le prix avec les difficultés d'intégration des populations immigrées de ses anciennes colonies.

C'est cette thèse que Daniel Lefeuvre combat dans un essai court et volontiers polémique. Spécialiste de l'histoire économique de la colonisation, et plus particulièrement de l'Algérie française, à laquelle il a consacré sa thèse (publiée en 1997 par la Société française d'histoire d'outre mer sous le titre "Chère Algérie Comptes et mécomptes de la tutelle coloniale (1930-1962)"), ce disciple de Jacques Marseille bât en brèche l'idée communément admise selon laquelle les colonies en général et l'Algérie en particulier auraient été pour la métropole une "bonne affaire". Dans un chapitre intitulé le rêve "cotonial", il montre que les colonies n'ont jamais constitué un réservoir inépuisable de matières premières. Dans le chapitre suivant "Le tonneau des Danaïdes", il rappelle que les exportations vers la métropole étaient largement subventionnées et que le bilan de la colonisation fut, au final, largement déficitaire, inspirant à l'opinion publique des années 50 le cartiérisme.

L'auteur réfute également l'idée que la main d'oeuvre immigrée bon marché aurait reconstruit la France après 1945. S'il concède que les flux migratoires nord-africains dépassent à cette époque pour la première fois les arrivées d'immigrés européens (Italie, Espagne, Pologne), il insiste sur le fait que "les quatre cinquièmes des ouvriers les plus humbles de Billancourt ne viennent pas d'Afrique mais des régions de France et des pays voisins d'Europe" (p. 157) et en tire la conclusion que "la main d'oeuvre coloniale n'a pas eu l'importance numérique et donc économique qu'on lui accorde généralement" (id.). Plus intéressant, en s'intéressant au chômage massif qui afflige dans ces années la société algérienne, il souligne que l'utilité économique de l'immigration algérienne en métropole visait moins à reconstruire la France qu'à éviter à l'Algérie de se clochardiser, la preuve en étant que le patronat souhaitait substituer à cette main d'oeuvre-là des travailleurs européens jugés plus compétents.

L'essai politiquement incorrect de Daniel Lefeuvre stimule souvent. Par exemple quand il montre, dans son ultime chapitre "A mort les Christos !", que le racisme anti-arabe et anti-musulman qui gangrène aujourd'hui le lien social, plonge moins ses racines dans la colonisation que dans la méfiance avec laquelle de tous temps l'Autre a été accueilli en France.
Il laisse quand même un malaise. Car la démonstration se fonde de façon répétitive sur le fait que les colonisés ne furent pas plus mal traités que d'autres. Par exemple, les guerres de colonisation ne furent pas plus sanglantes que les massacres du Palatinat en 1688, que l'extermination des camisards en 1703 ou que celle des Vendéens en 1794. Autre exemple le racisme anti-arabe contemporain n'est pas moins violent que la xénophobie dont les Ritals ou les Polacks furent victimes à la fin du XIXème siècle. Cette circonstance remet les choses en perspective ; mais elle ne réduit en rien le traumatisme laissé par la colonisation.
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