L'hôtel Hilton de Costaricana abrite plusieurs colloques dont le 8ème congrès mondial de futurologie consacré à la surpopulation. Les participants apprennent dès le premier jour que le consul américain a été enlevé par un groupe terroriste qui réclame la libération de prisonniers politiques. Après avoir bu de l'eau du robinet, le Pr Ijon Tichy se rend compte qu'elle contient une drogue du bonheur qui impose une bienveillance infinie aux contaminés. Dans les rues la guerre civile éclate, la drogue est vaporisée, la situation devient incontrôlable mais le Pr Tichy trouve un masque à oxygène pour se protéger.
Ce texte de témoignage, qui s'approche du journalisme tel que
Hunter S. Thompson le pratiquait, est une avalanche de délires narcotiques, une nausée perceptive surréaliste comme un trip onirique agité jusqu'à saturation. le style est saccadé, l'expérience part dans tous les sens au milieu d'une fête foraine kaléidoscopique où l'identité et l'altérité sont brouillées. Ensuite cette fantasmagorie se transpose dans le futur, dans une prospective sociologique et technologique. Et c'est dans ce post-modernisme linguistique que
Stanislas Lem est très fort, conséquence d'une extrapolation civilisationnelle malicieuse pour décrire une société de contrôle psychimique qui compose les sentiments individuels. S'ouvre alors une succession d'inventions à venir dans la grande tradition des catalogues de trouvailles farfelues. Dans cette véritable contre-utopie le message socio-politique questionne la liberté illusoire, l'éradication de la révolte et l'oubli par la camisole chimique où tout imprévu est lissé. La dilution de la réalité, l'inquiétante étrangeté se retrouve dans Invasion Los Angeles de
John Carpenter, le doute absolu dans Existenz de
David Cronenberg. C'est une vraie illustration du despote éclairé, du bonheur factice, de l'aveuglement commode et de l'oubli lénifiant.
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