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Citations sur POESIES DE ANDRE LEMOYNE 1855-1870 (les charmeuses- l.. (9)

MATIN D’OCTOBRE
À Jules Breton.


Le soleil s’est levé rouge comme une sorbe
Sur un étang des bois : — il arrondit son orbe
Dans le ciel embrumé, comme un astre qui dort ;
Mais le voilà qui monte en éclairant la brume,
Et le premier rayon qui brusquement s’allume
À toute la forêt donne des feuilles d’or.

Et sur les verts tapis de la grande clairière,
Ferme dans ses sabots, marche en pleine lumière
Une petite fille (elle a sept ou huit ans).
Avec un brin d’osier menant sa vache rousse,
Elle connaît déjà l’herbe fine qui pousse
Vive et drue, à l’automne, au bord frais des étangs.

Oubliant de brouter, parfois la grosse bête,
L’herbe aux dents, réfléchit et détourne la tête,
Et ses grands yeux naïfs, rayonnants de bonté,
Ont comme des lueurs d’intelligence humaine :
Elle aime à regarder cette enfant qui la mène,
Belle petite brune ignorant sa beauté.

Et, rencontrant la vache et la petite fille,
Un rouge-gorge en fête à plein cœur s’égosille ;
Et ce doux rossignol de l’arrière-saison,
Ebloui des effets sans connaître les causes,
Est tout surpris de voir aux églantiers des roses
Pour la seconde fois donnant leur floraison.

p.21-22
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Les Charmeuses

Paysage normand
À Ernest Chesneau.


J’aime à suivre le bord des petites rivières
Qui cheminent sans bruit dans les bas-fonds herbeux.
À leur fil d’argent clair viennent boire les bœufs,
Et tournoyer le vol des jaunes lavandières.

J’en sais qui passent loin des grands fleuves bourbeux,
Diaphanes miroirs des plantes printanières,
Et les reines des prés s’y penchent les premières
En écoutant jaser cinq ou six flots verbeux.

Ma petite rivière a la mer pour voisine :
Plus d’un martin-pêcheur vêtu d’algue marine
Coupe, sans y songer, le vol du goëland ;

Et parfois, ébloui de l’immensité bleue,
L’oiseau dépaysé, d’un brusque tour de queue,
Vers les saules remonte et va tout droit filant.

p.107-108
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Les Charmeuses

Nuit tombante
À Jules de Blanzay.


Dans les eaux sans reflet d’une boueuse mare,
Le froid soleil d’hiver, brusquement descendu,
Comme un astre honteux de sa lumière avare.
Sous un tas de roseaux frissonnants s’est perdu.

Je reconnais encor, dans une vapeur grise,
Un rang de peupliers qui se profile en noir,
Tantôt droit, et tantôt souffleté par la bise ;
Mais à mes pieds la route est impossible à voir.

Pas un son d’Angélus dans la campagne nue,
Et pas un maigre feu de pâtre s’allumant. —
Je traverse en aveugle une lande inconnue,
Dans un pays désert. — Pas un seul aboîment.

Mais là-haut, dans le ciel, une étrange voix parle,
Et semble articuler des mots incohérents,
Monologue inquiet d’un cygne ou d’un grand harle
Qui cherche dans la nuit ses compagnons errants.

Cette grave clameur descend au marécage
Dont le voyageur las a flairé les roseaux. —
Plus rien n’émeut le froid et sombre paysage : —
Nuit partout, dans le ciel, sur la terre et les eaux

p.53-54
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Les Roses d’antan

Le Poète et l’hirondelle
À Georges Lafenestre.


LE POÈTE.
Voici venir l’automne, hirondelle frileuse.
Bientôt s’effeuilleront mes rosiers défleuris.
Un ciel brumeux et noir s’étendra sur Paris,
Et tu me quitteras, petite voyageuse.

Hirondelle, où vas-tu quand tu me dis adieu ?

L’HIRONDELLE.
Je passe tous les ans la Méditerranée.
J’habite, sur un fleuve, une île fortunée
Où la pervenche est rose et le nymphæa bleu.

LE POÈTE.
Ah ! quand s’achèvera ton voyage tranquille,
Dans mon triste Paris, moi, j’aurai froid au cœur ;
Et je souffrirai seul dans cette grande ville
Où je n’ai plus de mère et n’ai pas une sœur.

L’HIRONDELLE.
Poëte, pour t’aimer, n’est-il pas une femme ?

LE POÈTE.
Souvenir d’autrefois… la femme que j’aimais
Dort sous les gazons verts qu’ombragent les cyprès.

L’HIRONDELLE.
Jamais un autre amour n’éclôra dans ton âme ?
Aux branches des rosiers quand une rose meurt,
Parfois j’ai vu renaître une rose nouvelle
Qui sur la même branche épanouit sa fleur.

LE POÈTE.
Bénis soient tes amours, bienheureuse hirondelle !
Moi, j’ai connu, dans l’ombre et la fraîcheur des bois,
Des plantes qui jamais n’ont fleuri qu’une fois.

p.185-186-187
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Chanson.
À Francis Magnard.

Le présent, le passé, l'avenir d'une femme,
Des gens fort sérieux prétendent tout avoir.
Ils prendraient volontiers son image au miroir,
Au papillon son aile, au diamant sa flamme.

Dans l'abîme insondable ils aimeraient à voir,
Avec leurs gros yeux ronds, ces bourgeois de vieux drame. —
La perle blanche éclose aux profondeurs de l'âme,
Ils seraient assez fous pour oser la vouloir.

Moi je sais une femme aux cheveux d'un blond fauve,
Que retient sur l'oreille un petit ruban mauve,
Et d'elle, pour ma part, je ne voudrais pas tant :

Errant dans son sillage, un soir, je l'ai suivie,
Et je donnerais bien tous les jours de ma vie
Pour avoir de sa lèvre un baiser d'un instant.
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Fin d'avril.
À Joseph Boulmier.

Le rossignol n'est pas un froid et vain artiste
Qui s'écoute chanter d'une oreille égoïste,
Émerveillé du timbre et de l'ampleur des sons :
Virtuose d'amour, pour charmer sa couveuse,
Sur le nid restant seule, immobile et rêveuse,
Il jette à plein gosier la fleur de ses chansons.

Ainsi fait le poète inspiré. — Dieu l'envoie
Pour qu'aux humbles de cœur il verse un peu de joie.
C'est un consolateur ému. — De temps en temps,
La pauvre humanité, patiente et robuste,
Dans son rude labeur aime qu'une voix juste
Lui chante la chanson divine du printemps.
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Rosaire d'amour.

J'aime tes belles mains longues et paresseuses,
Qui, pareilles au lis, n'ont jamais travaillé,
Mais savent le secret des musiques berceuses
Qui parlent à voix lente au cœur émerveillé. —
J'aime tes belles mains longues et paresseuses.

J'aime tes petits pieds vifs et spirituels,
Petits pieds éloquents de la cheville aux pointes,
Que les saints, oubliant leurs graves rituels,
Pliés sur deux genoux, baiseraient à mains jointes. —
J'aime tes petits pieds vifs et spirituels.

J'aime ta chevelure abondante et houleuse,
Flots noirs en harmonie avec ton cou bistré.
Je crois bien que jamais une main de fileuse
Ne tria d'écheveau si fin et si lustré. —
J'aime ta chevelure abondante et houleuse.

J'aime tes yeux vert d'eau, j'aime tes yeux songeurs.
Quand je regarde en eux, je pense aux mers profondes
Dont le mystère échappe aux plus hardis plongeurs ;
Je rêve d'un abîme où s'égarent les sondes. —
J'aime tes yeux vert d'eau, j'aime tes yeux songeurs.

J'aime ta bouche en fleur dont la corolle s'ouvre,
Pur carmin sur un fond de neige éblouissant.
C'est à prendre en pitié tous les trésors du Louvre.
J'aime ta bouche en fleur, fleur de chair, fleur de sang. —
J'aime ta bouche en fleur dont la corolle s'ouvre.

Vous, la belle de nuit et la belle de jour,
Me pardonnerez-vous cette ingrate analyse ?
Si j'ai mal égrené le rosaire d'amour,
C'est qu'un cher souvenir trop capiteux me grise. —
Grâce, belle de nuit ; grâce, belle de jour.







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Il était autrefois de hardis écumeurs
Labourant de la mer la grande solitude.
La récolte manquait souvent aux laboureurs,
La mer était avare, et la vie était rude.
Quand ils buvaient leur grog, le grog était gagné.

Ceux-là n’arrivaient pas à la décrépitude.
Ils n’avaient pas un cœur docile et résigné.

S’étant faits souverains pour ne pas être esclaves,
Ils ne mouraient pas vieux, mais ils mouraient en braves.

Quand ils avaient au plus cinq ou six ans régné,
Un beau jour de combat, ces coureurs d’aventure
Recevaient au flanc gauche une grande blessure
Qui rougissait la mer d’un flot de sang vermeil,
Tandis qu’eux rendaient l’âme aux clartés du soleil.

Ils expiraient vainqueurs, les jeunes rois des ondes ;
Au plus brave ils donnaient couronne et gouvernail,
Puis s’en allaient dormir sous les vagues profondes,
Peut-être sur des bancs de perle et de corail.
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Trois vieilles sœurs buvaient au fond d’un cabaret [...]

La plus haute en couleur était riche en paroles,
Opulent spécimen de ces nombreuses folles
Qui sur le pavé gras ont largement vécu,
Buvant au jour le jour jusqu’au dernier écu.
Le masque rouge était comme infiltré de lie,
Témoignant de l’amour banal et du gros vin.
La créature avait sans doute été jolie,
Mais quarante ans plus tôt, quand elle en comptait vingt.
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