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Critique de emusic4you


Il n'est pas de bon moment pour lire ce roman puissant, sombre, noirci à l'encre d'une eau trouble et réaliste, tant le lecteur se trouve balloté, remué par ce scalpel à la Mauriac qui fouille, tranche et découpe la famille en tranches, en parts inégales, inéquitables comme la vie, décrites avec maestria, dans une langue tenue, implacable et terrifiante.

Mauriac pour la sociologie et le décor, Duras pour les phrases inachevées que l'on saisit aussitôt ou que l'on remplit à sa guise.

Pas de bons moments, mais pas un instant où l'on ne lâche cette insidieuse musique faite de points de suspension, de prises de parole anarchiques, et cependant précise, arbitrée, essorée, lessivée, frottée au gant de crin par des personnages vivaces,
vivants, que le lecteur s'approprie bien qu'il ne sache rien de leur physique, de leurs
effets, de leur timbre. Une langue sans corps qui travaille au corps, jusqu'à l'os.
Une famille engoncée dans ses pesanteurs bourgeoises, versaillaises et catholiques, resserre son étau autour de la narratrice : multiples agressions d'un babil chic et quotidien révélant une inextinguible jalousie, irrépressibles grossièretés proférées par le mari avocat, blagues douteuses du beau-frère ecclésiastique.

L'héroïne a fort affaire dans cet univers hostile et hautain qui ne jure que par
l'amour du prochain. Après s'être effacée durant des années, Elvire, pièce rapportée, enverra tout promener au cours d'un drame catalyseur imprévisible.

Il n'est pas de bon moment dans cet ouvrage remuant, dépourvu de sérénité, pulvérisant les formes, mêlant le trivial, le malaise et la révolte, sauf celui de découvrir l'auteure d'une langue sans concession qui maîtrise l'art du récit et le propulse au plus haut.
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