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Critique de Nadael


Jamais elle ne reverra les mangues mûrir, Odélise. Quant elle a quitté La Réunion, les fruits étaient encore verts. Ils le resteront à jamais dans sa mémoire comme une image, figée et glacée. Elle n'avait que dix ans en 1975, lorsqu'on est venu la chercher chez elle, l'emporter loin, la séparer de sa famille, la déraciner de sa terre, la déporter de son île.
Ils sont arrivés à trois, les émissaires. Deux femmes un homme. Vêtus d'habits sombres, et le visage fermé, ils ont déroulé leur discours bien rodé devant ses parents, des cultivateurs et éleveurs aux maigres ressources, avec sept enfants à nourrir... Ils ont sorti leurs papiers et ont tendu un stylo au père et à la mère d'Odélise... Ne sachant pas écrire, ils auront recours au tampon encreur... L'homme et la femme marqueront de leur empreinte l'abandon de leur fille. Évidemment, ils ne s'imaginent pas qu'ils ne la reverront plus.
Voilà. En quelques minutes, le destin d'Odélise avait été scellé. Comme mille autres enfants de l'île, elle allait être envoyée en métropole pour repeupler des départements désertés. En effet, l'État français avait trouvé la solution à l'exode rural. Sous l'autorité de Michel Debré, des enfants réunionnais migrèrent de 1963 à 1982 en France, déclarés pupilles de l'État. Les parents laissaient partir leur progéniture, en échange d'une vie meilleure...
Ainsi, Odélise, rebaptisée Odile par sa famille d'accueil – prénom moins exotique - vivra désormais dans un village de la Creuse, Saint-Valentin-la-Chavane. Elle y grandira sans amour, sans écoute et sans attention, dans le froid et l'hostilité, se heurtant au racisme, à la bêtise et à la méchanceté des habitants.
Pour rompre sa solitude, survivre au manque des siens, ouvrir son coeur, se souvenir de la chaleur de son île, elle s'inventera un double qu'elle nommera Zeïla. Cependant, l'imagination ne suffit pas toujours à rendre la vie acceptable.
On sort de ce roman la tristesse et la colère en bandoulière, tellement on s'est attaché à son héroïne. On réalise le poids – l'utilité - de la littérature, quand elle lève le voile sur de telles ignominies. Si Odélise n'est qu'un personnage de fiction, des enfants réunionnais ont réellement vécu cette déportation brisant leur existence à jamais. Une honte. Un scandale. Une période de l'Histoire de la France, souvent méconnue, qu'il est essentiel de transmettre au plus grand nombre.
Lien : https://lesmotsdelafin.wordp..
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