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Critique de BazaR


Un très agréable roman, qui m'a laissé dans une sereine hébétude pendant quelques heures après que je l'eusse terminé.

L'astronaute Twern atterrit sur Ti-Harnog. Envoyé de la planète Lanmeur il est un contacteur, missionné pour préparer Ti-Harnog au Rassemblement de toutes les humanités. Accompagné du Conteur Talhael il va, sous prétexte de chercher sa Vérité, nous faire découvrir ce monde étonnant. Contre son gré, il va aussi bouleverser le bel ordonnancement de la société. Car la venue d'un homme descendu du Ciel, à la fois début et fin du monde, le Penn't Adébenn, est prévue dans les vieilles légendes, et le physique si particulier de Twern selon les canons des Harnogiens le désigne comme étant cet Élu.

L'essentiel du plaisir que j'ai ressenti réside dans la qualité apportée à la construction ethnologique et sociologique de Ti-Harnog. L'exotisme est complet. On découvre une espèce d'humains qui naissent systématiquement filles, grandissent, font des enfants filles, puis subissent la murkéto – une métamorphose qui les transforment en hommes, toujours mûrs, toujours barbus (d'où l'étrangeté de Twern, jeune homme fort et imberbe). Ces hommes font des enfants avec les femmes toujours jeunes, et se constituent en castes : ils sont Cultivateurs, Messagers, Conteurs ou Saigneurs. Les règles d'honneur rigides qui régissent les rapports entre les castes rappellent le code samouraï. En tant qu'Occidental libéré, égoïste et guère pieux j'ai eu du mal à comprendre les comportements et les choix de ces hommes et femmes, et cela participe à l'exotisme, à l'étrangeté et finalement au plaisir.
La société n'est pas parfaite, et ceux qui manquent à leurs devoirs se voient bannis sur le continent Nord, devenant des horcs (coïncidence heureuse, ça ressemble aux Orcs mais avant tout c'est un diminutif pour « hors-caste »). On découvre aussi l'organisation clanique des horcs, proche de celle des Sauvageons du Trône de Fer et malgré tout emprunte des codes de caste qu'ils ont abandonnés.

L'histoire est agréable à lire. Et pourtant j'ai eu des doutes au début, car l'objectif assigné aux contacteurs me semblait inatteignable. La Relativité règne sur cet univers (pour une fois) et il faut des siècles de voyage en hibernation pour que le contacteur atteigne la planète de sa mission et tente, à lui tout seul, de briser les sociétés autochtones et les préparer à l'intégration dans la civilisation Lanmeurienne. Même si un contacteur réussit, comment empêcher la société locale de dériver à nouveau sur des temps si longs et des espaces si infinis ? Des groupes identiques séparés par des barrières physiques infranchissables s'éloignent inévitablement ; c'est une des choses que nous a appris la théorie de l'évolution.
Aidé par la prophétie du Penn't Adébenn, Twern va effectivement bouleverser Ti-Harnog, mais Ti-Harnog va aussi le bouleverser et l'état final des évènements ne sera guère plus proche de Lanmeur qu'au début.

La démarche employée par Christian Léourier rappelle avec bonheur Jack Vance (Tschaï, Durdane, Koryphon, etc.), le cycle de l'Ekumen d'Ursula le Guin ou, dans une moindre mesure, Ténébreuse de M.Z. Bradley. le résultat est largement au niveau de ces chefs d'oeuvre.
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