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Critique de Pavlik


Après "l'Homme qui tua l'Hiver", roman qui me fit découvrir Christian Léourier et son cycle de "Lanmeur" (découverte due aux excellentes critiques de Relax67), j'ai poursuivi avec "Ti-Harnog", puis "Mille Fois Mille Fleuves" qui clôt le tome 1 de l'intégrale du cycle.

Ces trois histoires s'inscrivent dans le cadre de la doctrine du Rassemblement. En effet, beaucoup de mondes sont habités par les hommes (sans que l'on sache vraiment comment cela est arrivé) et Lanmeur, premier de ces mondes à avoir acquis la technologie du voyage spatial longue distance, se sent investi de l'obligation de rassembler ces peuples en une seule humanité. Des "contacteurs" sont donc envoyés, sans possibilité de retour, sur différentes planètes afin de préparer la colonisation. Sur Nedim ("l'Homme qui Tua l'Hiver") nous découvrions un monde depuis longtemps colonisé et l'auteur distillait une critique sur les rapports entre cultures radicalement différentes et technologiquement asymétriques. Sur Ti-Harnog le contact n'en était qu'aux prémices et la découverte de la société harnogéenne, fortement structurée par un système de castes et par la valeur symbolique de la parole y était l'atout principal.

Dans "Mille Fois Mille Fleuves" le contact est également tout récent. Mais contrairement aux précédents romans l'auteur adopte le point de vue d'une jeune autochtone, Ynis, et non d'un contacteur. A travers l'histoire de sa vie, qu'elle a rédigée dans une chronique, nous découvrons un monde plus simple, en apparence, que celui de Ti-Harnog. Ynis habite le village (sur pilotis) d'Eilton, construit sur le fleuve Finllion. Elle est l'épouse du fleuve et occupe donc une place importante au sein de la communauté. C'est à ce titre que, lorsqu'un messager des Iles Vermeilles apporte une convocation du Vieux Saumon (le dieu réincarné de ce monde) c'est elle qui est choisie pour représenter le village. Des rumeurs courent sur d'étranges hommes oiseaux et Ynis ne sait ce qui l'attend dans le palais du Connaisseur Suprême...

J'ai vraiment adoré ce roman qui est, pour moi, le meilleur des trois présents dans le tome 1 de l'intégrale. Comme les précédents l'action n'y est pas au rendez-vous, c'est vraiment l'ambiance qui prime, ainsi que la découverte d'un monde différent. Mais celui-ci s'avère plus évocateur que celui de Ti-Harnog car débarrassé d'une structure complexe : chaque fleuve représente une civilisation et les villages y vivent en harmonie avec la nature. Le fleuve, en tant que métaphore de la vie qui s'écoule vers la mer (symboliquement la mort) structure toute l'histoire. C'est surtout l'écriture de Léourier qui gagne beaucoup en qualité, plus concise, extrêmement poétique. L'osmose entre les hommes et le fleuve y est magnifiquement rendue. La nostalgie, qui gagne progressivement l'histoire, ne bascule jamais dans l'amertume, malgré le tragique destin de l’héroïne, victime des manipulations du Vieux Saumon, bien obligé de prendre en compte l'arrivée des hommes oiseaux (les contacteurs). Pour autant celui-ci ne se révèle pas mauvais mais pragmatique et, dans le fond, profondément humain. Contrainte à l'exil, après avoir découvert l'amour et le désir (avec un contacteur), Ynis n'aura finalement pas commis le péché originel mais plutôt l'acte qui amorcera le changement et l'adaptation de tout un monde...

Symboliquement, elle devra remonter le cours du fleuve pour s'en rendre compte, sans doute une manière pour l'auteur de nous dire qu'il faut savoir d’où l'on vient (ce qui représente, en fait, l'inconnu, ici symbolisé par le monde des Terres Sèches et des forestiers) pour comprendre ou l'on va. "Mille Fois Mille Fleuves" est véritablement un magnifique roman, puissamment évocateur, poétique et très agréable à lire.
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