Citations sur Le cycle de Lanmeur, tome 4 : Les racines de l'oubli (7)
Au fond, la mort d'Aperth ressemblait à un suicide, comme il s'en produisait tant. Car je l'affirme: malgré les périls qui nous entouraient, malgré la précarité de notre situation, plus de la moitié des accidents mortels arrivaient parce que la victime ne désirait plus vivre.
Nous frappions comme des sauvages, guettés par un ennemi redoutable: le temps. Car tandis que nous éventrions la forêt, sous nos pieds, sous nos coups même, elle repoussait. Au début d'un chantier, nous faisions face, nous nous accrochions à notre clairière. Même, nous l'élargissions. Alors, le cauchemar commençait: il arrivait un moment où nous passions plus de temps à sauvegarder notre précaire conquête qu'à gagner sur la sylve. Une pluie plus drue que les autres, un jour de relâchement, et un ressaut de la végétation venait réduire à néant toute une semaine de labeur.
- Quand l'histoire nous jugera, elle nous fera gloire de nos saloperies et conspuera ce qu'il y a de bon en nous.
Je devais me souvenir de ces paroles, quelques mois plus tard, face à mes juges.
Malgré les drogues ,ils se souviendraient toujours de ce matin où ils apprenaient le désespoir.
Ils savent seulement ce qu'on a bien voulu leur dire : ils sont condamnés pour un crime si horrible qu'on a préféré les rendre amnésiques pour les protéger de leur propre conscience. Leur famille, leur métier, les gestes qui faisaient leur vie, les idées pour lesquelles ils seraient morts, tout cela s'est effacé.
- Un jour, un jour je te sortirai de là, murmurai-je.
C'était bien entendu ridicule. D'ailleurs, je le lus sur son visage. Mais moi, je le disais avec une réelle conviction.
- Quel genre d'homme es-tu devenu ? cracha-t-elle. Tu as vendu tes copains pour une pute, et tu voudrais que je te croie ?
Nous avions cru prendre le pouvoir, or le pouvoir était mort. Nous en voyons la dépouille, la pensions pleine chair, mais comme nos doigts l'agrippaient la momie s'effritait. Tous restait à construire.