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Critique de Bobby_The_Rasta_Lama


"Non, non, je ne suis pas Byron; je suis un autre,
un autre élu, mais de tous ignoré;
un pèlerin par le monde exécré :
mais mon âme profonde, ô Russes ! c'est la vôtre."

Non, Lermontov n'est pas Byron, même s'il y a comme un lien entre les deux. Il n'est pas Pouchkine non plus; et pourtant, tous ces poètes romantiques ont beaucoup en commun.
J'ai vécu quelques débats animés (plutôt autour d'une chope de bière qu'autour d'un samovar) censés trancher si Pouchkine est "meilleur" que Lermontov ou vice-versa, et comme d'habitude, je me situais quelque part au milieu. Ils sont comme les deux côtés de la même pièce de monnaie : l'un ne peut pas être compris sans l'autre.
Lermontov est peut-être plus vrai, plus radical et rebelle que Pouchkine, élevé dans le classicisme... ? Quoi qu'il en soit, ce vieux recueil "Stihy i poemy" (que je n'ai jamais rendu à l'un de ces pro-lermontoviens féroces) fonctionne comme un remède universel pour n'importe quel état cafardeux.
Il y a dedans tout ce qu'il faut. Les larmes qui devraient sortir, mais qui ne viennent pas. Tristesse, colère, mélancolie et souffrance qui mériteraient d'être ventilées pour mieux respirer, mais qui s'accrochent malgré tout. Toutes les désillusions terrées au fond de l'âme.

Si vous essayez de compter quel mot revient le plus souvent dans la poésie de Lermontov, ce serait le mot "solitude". Parfois la solitude voulue et libératrice, mais la plupart du temps la solitude qui consomme de l'intérieur et n'apporte rien que la souffrance. Lermontov a parfaitement - mais tout simplement parfaitement, et d'une façon inimitable - saisi le moment quand on voit le bonheur nous faire un signe au bout du chemin et on court vers lui, le coeur grand ouvert... mais le bonheur se détourne avec un petit sourire gêné, et s'en va en haussant les épaules.

"Je me penche et longtemps j'écoute :
Je crois entendre sur la route
le son qu'un pas léger produit...
Non, ce n'est rien ! C'est dans la mousse
le bruit d'une feuille qui pousse
le vent parfumé de la nuit."

Mais les vers de Lermontov ne sont pas uniquement mes illustrations de la dépression décrite par les mots merveilleux. Ce sont aussi des poèmes remplis d'amour pour la patrie (qui n'est pas toujours compréhensible, mais quel amour l'est ?), de souvenirs de guerre et de Caucase, de moments de joie. Puis le folklore et les légendes, la nature... et, à nouveau : passion, déception, hésitation, appréhension. La mélancolie russe dans toute sa splendeur.

"Je connais un rocher dans le ravin d'une montagne,
Sur lequel seuls les aigles pourraient être vus,
Mais une croix de bois noire sur un précipice règne,
Il pourrit et il vieillit des tempêtes et des pluies."

Merci, maître Lermontov, vos poèmes guérissent. 5/5 pour cette essence pure de romantisme russe, ce radical et panslaviste dont le plus grand rêve était de se dissoudre dans l'air et ne devenir qu'un avec la nature.
Il ne reste qu'à fermer le recueil, et continuer à avancer sur ce long chemin poussiéreux... Pour aller peut-être nulle part, mais un peu plus loin. "Выхожу один я на дорогу..."

"Je n'attends rien de l'existence brève -
et du passé, nul regret, nul désir.
La liberté, la paix sont mes seuls rêves,-
je ne voudrais qu'oublier et dormir..."
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