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Critique de Soukiang


Et si les plus belles histoires d'amour se nichaient dans les thrillers ?
Et si les plus belles émotions pouvaient se livrer à travers le prisme de l'horreur ?
Et si HS 7244 était tout simplement une ode à la vie, à la passion de tous les instants, à la liberté d'être ?

La curiosité est un vilain défaut entendons-nous souvent sauf si la quête de la vérité tourne à l'obsession, celle qui risque de faire vaciller le réservoir d'humanité déjà bien entamé, cette découverte du premier roman de Lorraine Lorraine Letournel Laloue a été un catalyseur pour se rappeler qu'il existe, encore aujourd'hui, des âmes prêtes à vous dévorer tout cru, sans prendre de gants, l'auteure mancelle livre un thriller brut de décoffrage !!!

Percuter les consciences au point de vous faire douter de tout, partir d'un fait divers pour tisser une fiction, c'est apporter une ouverture inédite à construire une intrigue dans le seul but d'éviter les clichés, si redondantes soient-elles certaines scènes d'une cruauté sans nom, cette répétition est justement ce qui fait la force de pénétration à vous sortir définitivement de votre zone de confort dans ce huis-clos étouffant, protagonistes et lecteurs confondus, le combat reste le même, survivre dans un environnement hostile à toute possibilité de sortie, c'est ressentir viscéralement la peur de l'inconnu et des lendemains incertains, la cristallisation de cette violence à l'oeuvre n'est jamais complaisante quand elle sert le propos, dans la monotonie des jours et des nuits, les cris de terreur doivent s'entendre au-delà des murs de l'enceinte, poussés par le vent, la nature est le témoin d'actes inqualifiables et injustifiables, si l'homme ne se retourne pas toujours pour aider ses semblables en difficulté, il lui faut d'abord mesurer son intérêt personnel, servir des enjeux qui dépassent l'entendement ne saurait démentir le poids des mots, sans filtre ni concession, la bienveillance en prend pour son grade dans ce qui s'apparente avant tout à une histoire d'hommes et de femmes en lutte contre l'injustice ou la barbarie.
Mais pas que.

Du plus loin que je me souvienne, la violence a toujours fait partie du quotidien, qu'elle soit d'ordre moral et psychologique ou qu'elle émane de gestes portant atteinte à l'intégrité physique de la personne, pour les oeuvres artistiques puisant dans un scénario de film ou une intrigue noire de la littérature, jusqu'où peut-on pousser les portes de l'enfer sans tomber dans le manichéisme éculé ?

Le pire de l'humanité ...

Les mentalités bougent et fluctuent dans l'air du temps, au gré des plus grands bouleversements sociétaux, sans écran de fumée, l'auteure ne lésine pas sur l'aspect humain et psychologique quand l'action formelle finit par libérer des messages sous-jacents, une analyse au scalpel de tout ce que l'être humain peut encore engendrer dans ses pires travers, démons intérieurs d'un autre temps, au milieu de l'ignominie et d'une ambiance anxiogène, les personnages de HS 7244 se transforment en proie qui à l'extase enivrante qui à l'accablement le plus profond, cette figure antagoniste symbolise la dualité permanente, le poids de la souffrance peut alors s'exprimer dans son enveloppe charnelle comme dans la nébuleuse de l'esprit tourmenté, la fragilité de l'âme n'en est que plus touchante, la simplicité du style de l'auteur pour débrider la narration jusqu'au-boutisme insuffle une énergie contagieuse et vous savez quoi ?

C'est la marque d'une passionnée de thrillers qui vient de franchir le pas de l'écriture, au-delà de son amour infini pour le genre en tant qu'administratrice d'une groupe de lecture sur Facebook et de ses chroniques vidéos, au-delà des styles parfois alambiqués que l'on peut trouver chez certains auteurs et n'évitant pas toujours l'écueil des clichés, cette montée d'adrénaline en gestation dans HS 7244 est bien l'un des axes essentiels pour mener à bien la barque à bon port, dans la tempête déchaînée et des flots de vagues vertigineuses, l'auteure se fait d'abord justice pour dénoncer la chute progressive d'une humanité en perdition puis ce plaisir grisant à capturer et partager son regard de la vie et de ses turpitudes les plus vils, faire croître le suspense, éprouver le grand frisson et enfoncer de nouvelles portes, s'inviter dans des zones dangereuses pour défricher des terres dévastées par le chagrin et l'abandon le plus total, ressentir l'électrochoc c'est oser s'incruster dans les méandres du mal, les écorchés vifs pleurent dans leur chair suppliciée, l'immense gravité des faits inspirés n'en demandait pas moins, dans le silence troublé de la marche funèbre, la vie et la mort imposent leur revendication, l'homme retrouve ses instincts primitifs pour se rassurer sauf que la construction intervient toujours après le cratère à peine remis de son éruption.

Quand thriller rime avec émotions ...

Perte de repères moraux, déshumanisation et identité volée, HS 7244 draine une sueur rance d'angoisses sortie des entrailles, les cinq sens peuvent se décharger et pousser plus loin si c'était encore possible les limites de l'inacceptable, l'alarme devenant l'un des rares points d'ancrage dans cette prison cauchemardesque, quand les humeurs imprévisibles des bourreaux se multiplient, les survivants se posent en martyrs pour des causes que l'on apprendra à découvrir au fil des pages, le tempo s'intensifie crescendo et si la construction ne sort pas du lot ou de l'originalité de l'année, il n'en reste pas moins que l'efficacité à déboussoler le lecteur maintient son attention pendant toute la lecture, un dénouement qui apportera son lot de révélations, un premier roman qui ne calcule pas, si la première partie plante le décor et les enjeux de tous les personnages, le rythme de la deuxième moitié m'a littéralement scotché, peut-être certaines séquences auraient-elle méritées une onde de percussions supplémentaires dans l'alignement musical des chaises volantes, quitte à faire mordre la poussière un peu plus bas, un peu plus dans les tripes, si pour des lecteurs novices la dose est suffisante, l'aficionado de thrillers aurait-il voulu plus d'incursion déjà horrifique dans la folie ambiante, cette musique classique qui rassurait déjà l'entrée des nouveaux prisonniers dans les camps de concentration pendant la Seconde Guerre Mondiale trouve ici une nouvelle source d'inspiration ...

Je salue le courage et le talent de l'auteure à avoir réussi à combiner deux arcs narratifs en parallèle, à l'intérieur comme à l'extérieur, cette moitié se voudra le pendant de l'autre, une piqûre de rappel n'a jamais servi qu'à défendre le sujet contre une menace sourde, cette douloureuse et perpétuelle empreinte de la mort, un devoir de mémoire pour ne jamais oublier et scander inlassablement "Plus jamais ça", cette liberté prenant ici le réceptacle de tous les systèmes bafoués, le combat n'est jamais fini, pour Marius, Sylvain et les autres, tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir ...

Publié chez Belfond, HS 7244 est un thriller qui aborde des thématiques ancrées dans les problématiques actuelles tout en proposant une histoire haletante et jamais avare de soulèvements propre à faire bondir le lecteur, secouer le cocotier et agir pour ramasser ensuite, pour ce récit édifiant inspiré de faits réels, la fiction n'a jamais semblé aussi proche de la frontière de l'inimaginable, l'âme humaine recèle des caches secrètes et le noir absolu vous attend de pied ferme.
Bon voyage pour un aller simple vers l'enfer !
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