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Critique de pompimpon


La lampe à chapeau, c'est ce qui distingue le porion des autres mineurs, avant que tous en soient équipés. "Tout de suite, dans ces ténèbres", les mineurs le reconnaissent "sans peine de loin car, porion, il avait droit à la lampe à chapeau à accus accrochée au casque, qui remplaçait sa lampe à huile".

La lampe au chapeau, c'est le nom du journal du personnel des mines de Bruay-en-Artois, publié entre 1952 et 1961.

Dès le titre, Sandrine Leturcq ancre l'histoire de ses deux personnages principaux dans ce Nord façonné par les mines.

Tout d'abord il y a Jean, l'oncle, prisonnier de guerre reprenant son travail de mineur à la fosse n°6 de Bruay-en-Artois dès sa libération en 1945, après huit années passées sous les drapeaux puis en détention en Autriche. Il n'attend plus grand-chose de quiconque, ne compte plus sur personne et n'hésitera pas à devenir porion pour améliorer son salaire et ses conditions de vie.

Ensuite il y a Alexandre, le neveu, qui doit interrompre ses études à la mort de son père en 1953 et descend à son tour à la mine. Curieux et ouvert, il a une conscience sociale aiguë. Ses préoccupations politiques, son expérience de la guerre comme appelé en Algérie, les difficultés et les rencontres qui émaillent sa vie lui ouvriront des perspectives différentes.

De 1945 à 1973, Sandrine Leturcq déroule le parcours de Jean et d'Alexandre, la dureté du travail à la mine, les heures passées dans les boyaux souterrains étouffants, les inquiétudes, les accidents, les grèves, la vie quotidienne des corons.
Au fil des pages, ils prennent vie, ainsi que leur entourage, Jules et Victoire les parents d'Alexandre, Violette l'épouse de Jean et leurs enfants, Christiane, Michel, Jacques ; les camarades de la mine, les voisins du coron.

Tous deux appartiennent à la même famille mais ont peu en commun, à première vue.
La vie de l'oncle gagne en confort, maison plus vaste, jardin, voiture, vacances, tandis que la réflexion du neveu s'élargit, à la mine, puis durant ses classes avant d'être envoyé en Algérie. Les affrontements, les incompréhensions, les ruptures en deviennent inévitables.

Sandrine Leturcq relate ces liens qui se font et se défont avec des mots choisis, un phrasé qui s'orne par moments de délicatesse.
Les conversations, elles, sont rapportées en ch'ti, avec la "traduction" qui suit pour les paresseux, de quoi être plongée dans le bain à chaque échange.
Les mots comptent, mais la façon de les dire importe aussi tant elle se fait l'écho d'une conception de l'existence façonnée par l'ordinaire de la mine, des mineurs et de leurs familles.

L'auteur y a été assez sensible pour fournir ce travail difficile de transcription, qui apporte tant à cet ouvrage.

C'est une belle évocation de ces années qui voient la fin des Houillères, autant dire la fin d'un monde, et le changement d'une société, bien documentée, éclairée de différents points de vue.

Le livre en soi est un bel objet, à la couverture douce et sobre, accompagné d'un marque-page assorti. le choix patient d'une police de caractères différente pour distinguer les "traductions" souligne le soin de l'édition.

L'auteur a bien voulu y écrire une petite dédicace personnelle qui m'a beaucoup touchée.

Un grand merci à Sandrine Leturcq et aux éditions Carnets de Sel pour cette découverte.
Merci également à Babelio pour cette Masse critique littératures, désolée pour le retard...
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