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EAN : 9782956705208
Carnets de sel (20/04/2019)
3.67/5   3 notes
Résumé :
Après la seconde guerre mondiale, Jean, un mineur prisonnier de guerre, retourne à la fosse à Bruay-en-Artois, fonde une famille et décide de ne plus penser qu’à profiter de sa vie, de ses congés et de sa liberté. Mais c’est sans compter les mouvements de grève où il est vite stigmatisé.
A l’opposé, Alexandre, son neveu, place l’intérêt des siens et de ses compagnons au-dessus de son propre intérêt particulier. Et contrairement à Jean, il rentre de la guerre ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Un grand merci à Babelio et à Sandrine Leturcq pour m'avoir offert cette lecture dans le cadre de la Masse Critique Babelio.


Jean et Alexandre sont tous deux mineurs de fond à Bruay-en-Artois. Ils ont toutefois une manière radicalement opposée de faire face à leur vie harassante, dangereuse et mal rémunérée. A son retour de captivité après la Libération, Jean s'attèle d'arrache-pied à améliorer son sort personnel en prenant des cours du soir pour devenir porion. Sa promotion lui attire la défiance, et bientôt la vindicte des mineurs lorsque les grèves se succèdent. Son neveu Alexandre, lui, aspire à l'action collective : il rentre de la guerre d'Algérie plus que jamais renforcé dans ses convictions et ses idéaux libertaires, qui ne tardent pas à le faire passer pour une forte tête et un agitateur politique auprès de son employeur. Entre Jean et Alexandre, la rupture finit par devenir irrémédiable.


Ce roman a d'abord été pour moi une rencontre pleine de tendresse avec des personnages et des lieux qui me sont particulièrement proches en raison de mes racines familiales : j'ai immédiatement entendu sonner des voix familières au fil des dialogues patoisants, savoureux et parfaitement justes, que tous les lecteurs pourront décrypter sans mal parce que traduits au fur et à mesure, sans renvois ni notes de bas de page. Elle-même originaire de Bruay, l'auteur a su restituer mille détails authentiques qui recréent avec réalisme la vie de cette ville minière, de l'après-guerre jusqu'aux années soixante-dix.


Derrière l'histoire particulière se dessine la profonde évolution de la France toute entière pendant les Trente Glorieuses, marquées par des changements économiques et sociaux majeurs qui ont introduit en Europe la société de consommation et de loisirs. Un des facteurs de la forte croissance industrielle fut d'ailleurs l'accès à une énergie à bas coût, en particulier les énergies fossiles...


Le point de vue historique de l'auteur s'attache plus particulièrement à la prévalence de l'individualisme dans les grandes orientations prises par notre société moderne occidentale. Selon Sandrine Leturcq, qui nous fait découvrir au passage quelques penseurs libertaires, les intérêts particuliers ont toujours fini par l'emporter, y compris dans les sociétés collectivistes communistes. Seules les minorités anarchistes ont imaginé une voie différente, comme Alexandre dans le récit, restée antinomique avec les égoïsmes inhérents à la nature humaine.


La lampe au chapeau est un captivant roman historique dépassant largement le cadre régional, porté par une réflexion intéressante sur nos valeurs sociétales qui devrait intéresser tous les lecteurs, quelles que soient leurs affinités politiques.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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La lampe à chapeau, c'est ce qui distingue le porion des autres mineurs, avant que tous en soient équipés. "Tout de suite, dans ces ténèbres", les mineurs le reconnaissent "sans peine de loin car, porion, il avait droit à la lampe à chapeau à accus accrochée au casque, qui remplaçait sa lampe à huile".

La lampe au chapeau, c'est le nom du journal du personnel des mines de Bruay-en-Artois, publié entre 1952 et 1961.

Dès le titre, Sandrine Leturcq ancre l'histoire de ses deux personnages principaux dans ce Nord façonné par les mines.

Tout d'abord il y a Jean, l'oncle, prisonnier de guerre reprenant son travail de mineur à la fosse n°6 de Bruay-en-Artois dès sa libération en 1945, après huit années passées sous les drapeaux puis en détention en Autriche. Il n'attend plus grand-chose de quiconque, ne compte plus sur personne et n'hésitera pas à devenir porion pour améliorer son salaire et ses conditions de vie.

Ensuite il y a Alexandre, le neveu, qui doit interrompre ses études à la mort de son père en 1953 et descend à son tour à la mine. Curieux et ouvert, il a une conscience sociale aiguë. Ses préoccupations politiques, son expérience de la guerre comme appelé en Algérie, les difficultés et les rencontres qui émaillent sa vie lui ouvriront des perspectives différentes.

De 1945 à 1973, Sandrine Leturcq déroule le parcours de Jean et d'Alexandre, la dureté du travail à la mine, les heures passées dans les boyaux souterrains étouffants, les inquiétudes, les accidents, les grèves, la vie quotidienne des corons.
Au fil des pages, ils prennent vie, ainsi que leur entourage, Jules et Victoire les parents d'Alexandre, Violette l'épouse de Jean et leurs enfants, Christiane, Michel, Jacques ; les camarades de la mine, les voisins du coron.

Tous deux appartiennent à la même famille mais ont peu en commun, à première vue.
La vie de l'oncle gagne en confort, maison plus vaste, jardin, voiture, vacances, tandis que la réflexion du neveu s'élargit, à la mine, puis durant ses classes avant d'être envoyé en Algérie. Les affrontements, les incompréhensions, les ruptures en deviennent inévitables.

Sandrine Leturcq relate ces liens qui se font et se défont avec des mots choisis, un phrasé qui s'orne par moments de délicatesse.
Les conversations, elles, sont rapportées en ch'ti, avec la "traduction" qui suit pour les paresseux, de quoi être plongée dans le bain à chaque échange.
Les mots comptent, mais la façon de les dire importe aussi tant elle se fait l'écho d'une conception de l'existence façonnée par l'ordinaire de la mine, des mineurs et de leurs familles.

L'auteur y a été assez sensible pour fournir ce travail difficile de transcription, qui apporte tant à cet ouvrage.

C'est une belle évocation de ces années qui voient la fin des Houillères, autant dire la fin d'un monde, et le changement d'une société, bien documentée, éclairée de différents points de vue.

Le livre en soi est un bel objet, à la couverture douce et sobre, accompagné d'un marque-page assorti. le choix patient d'une police de caractères différente pour distinguer les "traductions" souligne le soin de l'édition.

L'auteur a bien voulu y écrire une petite dédicace personnelle qui m'a beaucoup touchée.

Un grand merci à Sandrine Leturcq et aux éditions Carnets de Sel pour cette découverte.
Merci également à Babelio pour cette Masse critique littératures, désolée pour le retard...
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« Ceto bin ! » Oui, j'ai beaucoup aimé « la lampe au chapeau » de Sandrine Leturcq. Je me permets de réagir ainsi car tous les dialogues sont en Chti (Traduits à chaque fois pour les non-initiés).J'avais lu « Germinal » quand j'étais au lycée, « le jour d'avant » de Chalendon …Je retrouve avec intérêt l'univers de la mine. Et ici, c'est une personne du cru qui raconte...Sandrine Leturcq est née à Bruay-en-Artois, près de Lens (aujourd'hui Bruay-la-Buissière) et elle nous « ouvre les portes des corons et de la fosse 6 de Bruay ancrée dans la Grande Histoire » (C'est la dédicace qu'elle m'a écrite gentiment sur la 2ème page du livre).
L'histoire commence fin avril 1945 avec le retour de Jean, prisonnier de guerre en Allemagne. Sa femme ne l'a pas attendu, et il souhaite une vie paisible ; il retourne à la mine, fonde une nouvelle famille et cherche à devenir chef (porion) pour vivre confortablement. Son bien-être et celui des siens est sa priorité. Nous sommes témoins du quotidien dans les corons dans une famille sans histoire. C'est le début de la société de consommation.
La 2ème partie est centrée sur Alexandre, le neveu de Jean. Lui aussi travaille à la mine mais il est appelé sous les drapeaux, en Algérie. A l'opposé de son oncle, Alexandre veut changer le monde et ses idées politiques sont proches des anarchistes. On le suit de Bruay à Paris jusque 1973. Dans cette partie, on ressent l'agitation de mai 1968, les changements sociaux, la montée du féminisme…
Un bel hommage aux gens du Nord. C'est le 1er roman franco-chti à ma connaissance. Les dialogues en Chti sont savoureux (Je suis du nord ; cela m'a facilité la compréhension) et cette culture populaire mérite d'être mise en valeur. J'ai lu tous les dialogues à voix haute, instinctivement. C'est l'intérêt principal du livre. On découvre aussi les Trente Glorieuses dans le bassin minier.
Je le conseille à ceux qui aiment les fresques historiques.
« Carnet de sel » est une maison d'édition indépendante qui mérite d'être soutenue.
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Carnets de sel – La Lampe au chapeau, un roman de Sandrine Leturcq
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