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Critique de Henri-l-oiseleur


Voilà un livre classique, enseigné même certaines années dans les écoles, et qu'il faut lire dans un juste état d'esprit. Il serait dommage que 70 ans après, on aborde cet ouvrage avec le respect religieux qu'on doit aux sanctuaires , ou aux grandes souffrances, car on voit bien aujourd'hui que ce respect religieux peut se changer facilement en haine ou en indifférence. Il n'est pas sûr que notre version française rende bien justice au raffinement de l'italien de l'auteur.

L'auteur fait face aux souvenirs pénibles de sa déportation avec la foi absolue dans le caractère salvateur de la raison, de l'ordre du récit, de la capacité humaine à surmonter les épreuves grâce à l'intelligence. Ce qui lui arrive, à lui et au peuple dont il fait partie malgré lui, ne perturbe pas une foi religieuse qu'il n'a pas, ni ne remet en cause un ordre cosmique et providentiel en lequel il ne croit pas. Il ne croit pas non plus dans le destin particulier du peuple juif, qu'il découvre seulement au moment de partager sa déportation et son extermination. Il affronte l'épreuve du souvenir en humaniste, et cet humanisme lui permet d'écrire cette expérience humaine en projetant sur elle les lumières de la raison, mais pas de la conscience juive élaborée au cours de l'histoire. C'est ce qui explique la proximité de ce récit avec l'essai, l'analyse intellectuelle, plus qu'avec l'autobiographie. L'émotion y est maîtrisée, les sensations décrites avec précision, le "nous" du collectif l'emporte sur le "je" du moi souffrant. Le sommet du livre est atteint, je crois, dans les chapitres sur Dante et Ulysse reprenant la mer : c'est là ce que l'auteur pourra exprimer de plus personnel, mais ce sera toujours de cette même façon pudique et indirecte.

Donc, l'aspect métaphysique de cet événement que fut l'extermination du peuple juif n'est pas à chercher dans le livre de Primo Levi, qui se situe toujours à hauteur d'homme, d'homme au sens étroit que lui donne l'humanisme athée occidental. C'est sa grandeur et sa limite.
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