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Critique de gatsbi


gatsbi
16 décembre 2023
Une critique de la nature humaine sous l'angle de la morale.

Je m'attendais à un récit, je n'ai trouvé qu'un exposé. Un exposé certes brillant, précis et original par sa forme, mais un exposé quand même.
La faute à moi-même, car après tout le titre et le sous-titre ne trompent pas, contrairement au diable.
Un péché par attente infondée, comme dirait Screwtape le démon qui parle – ou écrit, plutôt – dans ce texte.


La forme est purement épistolaire : un démon expérimenté prodigue ses conseils à son neveu qui « pratique » sur le terrain, le « terrain » n'étant autre que notre bonne vieille Terre !
Il y a une régularité exceptionnelle dans la forme, puisque le texte entier est constitué des 31 lettres du démon Screwtape, chacune tenant sur deux pages.

S'il y a bien échange de lettres, celles du neveu ne sont que succinctement rapportées par l'oncle, ce qui confirme que ce n'est pas le récit ou l'action qui intéresse l'auteur, mais bien la réflexion et le discours.
Et logiquement, l'intrigue est réduite à sa portion congrue. Il existe un fil conducteur, mais on comprend très rapidement que la succession des échanges ne vise qu'à explorer le vaste éventail de la nature humaine. Malgré ses efforts évidents, l'auteur ne parvient pas à estomper l'aspect « traité » du récit.


Plutôt que sur la logique de l'histoire (s'il y en a une), je pense que l'auteur mise tout sur le style et la tonalité pour faire passer l'exposé.
Le style et la tonalité sont d'ailleurs réussis, je trouve. Aussi réguliers que la forme. Screwtape est un donneur de leçons de la vieille école. Fin tacticien et vieux roublard, il prodigue ses conseils (ses directives plutôt) avec l'autoritarisme et le paternalisme qui lui autorise son âge et sa position. Il y a beaucoup d'ironie dans ce style. Un rapport de domination s'établit aussi entre le maître et l'élève.
Est-ce assez pour prendre du plaisir à lire ? Pas pour moi...


Les thèmes traités sont très nombreux et tous ont pour objectif de sonder la nature humaine.
L'originalité ici est double : on explore la morale dans un cadre chrétien, et plus précisément en adoptant le point de vue du diable. « L'Ennemi » est donc Dieu.

« […] commence par te demander quel usage l'Ennemi compte en faire et ensuite fait le contraire. »
Cette consigne du maître à l'élève résume à elle seule le procédé rhétorique, simplissime, appliqué presque à chaque fois.
On pourrait donc penser à une simple antimorale (chrétienne), mais c'est bien plus subtil et intéressant : à travers le démon, l'auteur distingue en effet la figure de Dieu (qu'il juge apparemment très positivement) de sa « mise en oeuvre » par l'institution et les croyants eux-mêmes. Il montre alors la fausseté et les biais dans cette dernière, du pain béni pour le camp du diable !
C'est donc un démon particulièrement malin (pardon pour le pléonasme) que fait parler l'auteur et qui lui permet de disserter sur de très nombreux sujets, avec toujours cette particularité de creuser l'idée répandue, de questionner la morale établie. Ne dit-on pas que le diable se niche dans les détails ?


J'aime beaucoup la figure du diable comme levier rhétorique. J'aime aussi la réflexion lorsqu'elle s'attache à explorer les biais de la pensée.
Mais cette lecture m'a plus ennuyé et fatigué plus qu'autre chose.
Il y a le côté brut, l'aspect « traité » dont j'ai parlé.
Il y surtout un effort intellectuel, rhétorique et logique difficile à soutenir dans la durée. En effet, malgré la rigueur et la précision indéniables de l'auteur, j'ai vraiment peiné à traverser les niveaux emboités qui s'additionnent pour construire la compréhension :
biais dans la pratique religieuse ou dans le jugement moral qu'ont les gens +
point de vue inversé du camp du diable +
ironie récurrente du démon Screwtape
J'ai trouvé l'exercice tellement compliqué que j'ai survolé les dernières lettres, pour « en finir » plus rapidement...
Et puis, avec le recul, les réflexions sont plutôt inégales. Certaines ne sont pas très originales, et d'autres m'ont paru confuses, mais peut-être était-ce moi qui l'étais !

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