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Critique de horline


Magnifique roman sur la puissance des convenances sociales et ses déviances, le Destin de Mr Crump, à la manière d'un roman psychologique, absorbe littéralement le lecteur tant l'intrigue est implacable et cruelle…

Début vingtième siècle, Etats-Unis, un jeune artiste terriblement idéaliste, Herbert Crump, rencontre Anne Bronson Vilas que des désirs romanesques pousseront à épouser. Une femme mariée qui a abandonné son mari pour un jeune musicien, une femme totalement accaparée par ses enfants et déçue par une vie dénuée de beauté.
Mais dés que l'illusion prend un air de réalité, Herbert éprouve très vite « quelque chose de faux et de frelaté ». Il s'épuise des chicanes et subterfuges par lesquels Anne s'anime et qui s'interprètent durant les premières années de mariage comme des débordements d'un caractère romanesque et passionné.
Seulement, ce qui apparaissait comme de simples coquetteries, de petits arrangements avec la vérité, de sempiternelles demandes de gage d'amour, des affectations absurdes se transforment très vite en arme au profit d'Anne pour maintenir Herbert sous son joug. Sous la dissimulation, la tromperie, la malveillance, sous les insistances des demandes d'affection, un caractère irascible et maladivement jaloux.
Oui c'est une femme hystérique, acrimonieuse, vulgaire, impudente, vindicative, hargneuse, pleine de fiel et d'arrogance, frivole et odieuse que l'on découvre (et je peux encore allonger la liste !), une femme qui ne s'adoucit qu'en ayant obtenu ce qu'elle veut. Une femme qui aspire toutes les énergies créatrices d'Herbert et injecte toutes les exaspérations, même à un homme aussi calme et pondéré.
Dévoré de honte, Herbert Crump mène une vie dés lors qui lui ôte toute initiative, tout courage, elle brise chez lui l'élan de la jeunesse et de la créativité.
Torturé, ruiné, bafoué dans sa virilité et sa jeunesse, Herbert se voit retenu prisonnier dans cette cage du mariage « où la stupidité des habitudes sociales permettait à Anne de le tenir enfermé ».

Tout au long de la lecture de ce roman, une réflexion revient avec entêtement : quelle histoire effroyable !
Avec un réalisme cruel, Ludwig Lewisohn parvient à décrire de manière pénétrante l'enfer de ce mariage, il n'épargne le lecteur d'aucun détail sordide. L'auteur s'évertue à démontrer que ce mariage n'aurait jamais dû être contracté tant ces deux personnages appartiennent à des mondes différents. L'épouse est un véritable acide qui ronge et dissout toutes les faiblesses, avec un univers moral proche du chaos. L'époux, un idéaliste doux, patient, profondément vertueux, généreux, bercé par une enfance jamais contrariée se révèle être même de l'aveu de l'auteur « une nature qui n'était ni dure ni portée à l'orgueil ou à la vanité, et était même peut être trop dépourvue des énergies qui s'éveillent dans l'âme d'un homme se respectant à juste titre ». Parce que trop scrupuleux et trop faible, Herbert souffre de toutes les peines, toutes les humiliations et toutes les privations du corps et de l'esprit à cause de cette femme trop préoccupée d'elle-même.
Ce contraste est saisissant et rend l'intrigue aussi haletante qu'un polar. Il fait naître un affrontement violent qui va grandissant avec une violence toute silencieuse et sournoise. Jusqu'au dénouement, on hésite sur les motivations profondes d'Anne : aveuglement stupide ou méchanceté cruelle ?
C'est aussi un affrontement habilement entretenu qui abolit la frontière entre la réalité du récit et le parti pris du narrateur qui, extérieur au couple, est cependant étrangement proche d'Herbert Crump. En s'intéressant à la biographie de l'auteur, on découvre alors que le Destin de Mr Crump a des reflets autobiographiques : Ludwig Lewisohn a été terriblement marqué par un mariage subi, un mariage obéissant aux conventions sociales de l'époque.
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