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Critique de Henri-l-oiseleur


"Images brisées" est le troisième recueil d'essais que le grand sinologue Simon Leys consacre à la Chine maoïste, en 1976, année de la mort du Grandiose Timonier. le livre se clôt sur cette remarque plutôt drôle, ou sinistre : "Les experts en pékinologie ont bien de la chance : le public ne leur applique jamais les élémentaires critères de compétence professionnelle qui sont normalement requis des garagistes ou des plombiers. Nous congédions les techniciens qui ne réussissent pas à réparer nos autos ou les fuites de nos tuyauteries, mais quand la réalité politique dément les analyses de nos experts, nous congédions la réalité."

Pour ne pas "congédier la réalité" du totalitarisme chinois, Simon Leys se garde d'échafauder de vastes théories d'ensemble, mais collationne articles et essais particuliers écrits sur la Chine entre 1974 et 1976. La première partie est consacrée à des témoignages individuels, toujours éclairés par la réflexion de l'intéressé et de l'essayiste. Ils ont la saveur amère du vécu, que l'on trouve aussi dans L'Archipel du Goulag. La seconde partie rassemble des études sur la situation culturelle du désert chinois : musées, littérature, et ravages irréparables du communisme dans les esprits, les villes et les paysages. La partie "Politique" sera pékinologique : il s'agit de décrypter les grandes campagnes médiatiques par lesquelles le pouvoir manipule le peuple dans l'intérêt de certains dirigeants (par exemple, faire passer l'assassinat de Lin Biao par Mao). Enfin, "Nécrologie" et les Annexes creusent la perspective temporelle avec une étude sur Chiang Kai-Shek et plusieurs sur Mao lui-même. Ces essais, qui n'ont rien d'austère, sont traversés de figures cocasses de maolâtres occidentaux, parfois encore en service de nos jours.

Nos yeux fascinés par les médias, qui prétendent nous informer sur "l'actualité", sont détournés de ces événements. On nous fait croire qu'ils remontent à une lointaine préhistoire, car la tâche propre de la propagande est de périmer le passé pour l'empêcher d'éclairer le présent, où sa domination est pérenne et installée. Or, les morts et les camps de concentration en moins, nous vivons dans un régime qui a emprunté au communisme nombre de ses méthodes. Mais la domination est désormais intériorisée, elle ne s'exerce plus du dehors par la brutalité, et nous sommes changés en victimes consentantes et surtout, bien nourries. En charge de cette domination, on trouve les mêmes qui prirent leurs leçons en URSS et en Chine, et qui ont formé leurs disciples à des techniques éprouvées et à peine modifiées. D'où le grand intérêt des livres de Simon Leys.
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