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Robert Laffont (01/01/1976)
4.33/5   6 notes
Résumé :
Aussi bien les admirateurs de la "Chine rouge" que les tenants du "péril jaune" semblent avoir perdu de vue un simple fait : les chinois sont aussi des êtres humains - ou, si vous voulez, d'une certaine façon, nous sommes tous des chinois.
Une bonne partie des âneries qui circulent aujourd'hui sur la Chine découlent d'une incapacité à reconnaître cette évidence.
Interrompons un moment ces débats bien parisiens pour prêter enfin l'oreille à ces voix ch... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
"Images brisées" est le troisième recueil d'essais que le grand sinologue Simon Leys consacre à la Chine maoïste, en 1976, année de la mort du Grandiose Timonier. le livre se clôt sur cette remarque plutôt drôle, ou sinistre : "Les experts en pékinologie ont bien de la chance : le public ne leur applique jamais les élémentaires critères de compétence professionnelle qui sont normalement requis des garagistes ou des plombiers. Nous congédions les techniciens qui ne réussissent pas à réparer nos autos ou les fuites de nos tuyauteries, mais quand la réalité politique dément les analyses de nos experts, nous congédions la réalité."

Pour ne pas "congédier la réalité" du totalitarisme chinois, Simon Leys se garde d'échafauder de vastes théories d'ensemble, mais collationne articles et essais particuliers écrits sur la Chine entre 1974 et 1976. La première partie est consacrée à des témoignages individuels, toujours éclairés par la réflexion de l'intéressé et de l'essayiste. Ils ont la saveur amère du vécu, que l'on trouve aussi dans L'Archipel du Goulag. La seconde partie rassemble des études sur la situation culturelle du désert chinois : musées, littérature, et ravages irréparables du communisme dans les esprits, les villes et les paysages. La partie "Politique" sera pékinologique : il s'agit de décrypter les grandes campagnes médiatiques par lesquelles le pouvoir manipule le peuple dans l'intérêt de certains dirigeants (par exemple, faire passer l'assassinat de Lin Biao par Mao). Enfin, "Nécrologie" et les Annexes creusent la perspective temporelle avec une étude sur Chiang Kai-Shek et plusieurs sur Mao lui-même. Ces essais, qui n'ont rien d'austère, sont traversés de figures cocasses de maolâtres occidentaux, parfois encore en service de nos jours.

Nos yeux fascinés par les médias, qui prétendent nous informer sur "l'actualité", sont détournés de ces événements. On nous fait croire qu'ils remontent à une lointaine préhistoire, car la tâche propre de la propagande est de périmer le passé pour l'empêcher d'éclairer le présent, où sa domination est pérenne et installée. Or, les morts et les camps de concentration en moins, nous vivons dans un régime qui a emprunté au communisme nombre de ses méthodes. Mais la domination est désormais intériorisée, elle ne s'exerce plus du dehors par la brutalité, et nous sommes changés en victimes consentantes et surtout, bien nourries. En charge de cette domination, on trouve les mêmes qui prirent leurs leçons en URSS et en Chine, et qui ont formé leurs disciples à des techniques éprouvées et à peine modifiées. D'où le grand intérêt des livres de Simon Leys.
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Il y a eu encore plus beau depuis: l'article qu'a consacré à la Chine le chroniqueur religieux du quotidien-le-plus-sérieux-de-France demeurera à jamais inoubliable (Le Monde 16-17 novembre 1975).
Si je n'en parle pas ici, ce n'est pas que, comme dit encore Léon Bloy, « La vie est trop courte pour rosser tout le monde, et il faut encore faire un choix parmi les avortons » (en fait la bêtise a ses poids lourds, et M. Fesquet en est indubitablement l'Hercule) mais bien que les bras me tombent du corps à la seule idée de me colleter avec sa prose. Quand un spécialiste comme le père Ladany, rédacteur du China News Analysis qui suit quotidiennement les affaires chinoises depuis vingt-cinq ans, estime sur la base des informations extensives qu'il a compilées que la grande famine de 1959-1962 dut provoquer environ CINQUANTE MILLIONS de morts, quiconque voudrait disputer ce chiffre demeure libre de contre-expertiser son analyse; mais que pourrait-on rétorquer à l'affirmation catégorique de M Fesquet qui déclare, sur la base des douze banquets qu'il a faits en Chine aux frais du peuple chinois, que « depuis la Libération, tous les Chinois mangent à leur faim »? Des spécialistes de sciences politiques ont écrit des traités entiers consacrés aux exclusives qui frappent de façon indélébile certains citoyens de la République populaire sur la seule base de leurs origines sociales; on peut, si l'on veut, mettre leurs conclusions en débat, mais comment répondre à notre voyant extralucide qui a découvert au cours d une visite de quinze jours que « la société maoïste n'exclut personne, qu'elle présente une sorte d'antiracisme social dont l'histoire offre peu d exemples »? Le professeur Ivan London a relevé au cours de ses savantes enquêtes de nombreuses incidences récentes de cannibalisme dans diverses provinces chinoises ; Pasqualini, Lai Ying et tant d'autres ont témoigné sur la condition concentrationnaire en Chine; on peut éventuellement tenter de limiter la portée et la représentativité de ces témoignages et documents — ce qui est sans réplique, c'est assurément la profession de foi de notre nouveau converti qui déclare de façon tranchante que « d'esclave, le peuple chinois est devenu roi » et que « le régime n'est pas répressif ». Mais lorsqu'on observe la façon dont M Fesquet admire l'absence des dispositifs de sécurité autour des machines dans les usines (« Les Chinois, voyez-vous, sont d'extraordinaires acrobates ») et la mobilisation des coolies attelés au charroi en guise de bêtes de somme (« la traction humaine utilisée pour déplacer des fardeaux énormes le long des routes » constitue une superbe exhibition d' « éclatante force physique »), on se sent pris d'une crainte respectueuse : qui oserait encore s'attaquer à un humoriste d'aussi swiftienne envergure?
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La Chine est la religion des Chinois. (La Chine est un concept culturel ; elle ne se limite ni à une certaine race, ni à un certain territoire, ni à un certain état ...)
Sachant ce que la culture chinoise signifie pour eux, je me suis souvent étonné de l'impassible sérénité avec laquelle la plupart des vieux lettrés chinois que je connais assistent maintenant, de l'étranger, à la destruction de cette culture. Comme je discutais un jour de cette question avec l'un d'eux, un savant archéologue, esthète et collectionneur de renommée mondiale dont tout l'existence n'est nourrie et justifiée /que/ par cette culture, il me dit en souriant de mon feu naïf : "Voyons, cher ami, ne vous échauffez pas tant : /la culture chinoise est indestructible./" (...) Un mystique chrétien verrait, je pense, avec la même équanimité des hordes de barbares en train de transformer la basilique Saint-Pierre en écurie, dans la certitude où il se trouve, par expérience personnelle, ... [que] Cela seul qui compte habite en lui et ne saurait le moins du monde être entamé par ces pathétiques enfantillages.
En Chine même, par contre, la "Révolution culturelle" a finalement forcé un certain nombre d'intellectuels éminents à confronter l'impensable. Si Lao She, Fu Lei, et tant d'autres, se sont suicidés, c"est en effet, je crois, parce qu'ils ont eu brutalement cette insoutenable révélation que peut-être /la Chine pouvait, elle aussi, être mortelle./ Leur message désespéré ne semble pas avoir atteint son adresse.
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F... évoque le souvenir de ces vieillards que des écoliers obligeaient à s'agenouiller sur des tessons, ou encore la vue de ces gosses qui lardaient à la baïonnette les cadavres de rebelles pendus aux lampadaires d'un boulevard de Kwangchow, leur ouvrant le ventre et s'amusant à dévider leurs intestins.
Et personne n'osait rien dire, rien faire, ni intervenir de quelque façon que ce soit, dans la crainte d'être aussitôt accusé d' "humanisme bourgeois" ou de compassion complice pour les ennemis de classe.
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T ... raconte comment, en voyageant seul dans une région montagneuse et sauvage du Guangdong pour y faire des croquis d'après nature, il avait découvert par hasard un hameau de trois fermes où les gens célébraient une noce à la mode traditionnelle. Les paysans de ce hameau perdu l'invitèrent à partager leur festin qui était plantureux. En marge des chemins et des cartes, oubliés des bureaucrates, ils vivaient en complète autarcie, élevant cochons et volaille et défrichant par le feu de petits lopins de brousse alentour, à la façon primitive. Ils n'avaient qu'une très incertaine notion de l'existence d'une République populaire affectant le monde extérieur. T ... se rappelle encore la stupeur qu'il avait éprouvée en ne trouvant sur leurs murs aucun portrait du président Mao.
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Il n'est pas de politique plus implacable que celle qui a pour ambition de faire le bonheur de l'humanité. (Quel est encore l'auteur anglo-saxon qui parlait de "cet air traqué des gens à qui l'on a fait du bien" ?) C'est que, pour paraphraser Zamiatine, le seul moyen de délivrer les hommes du mal, c'est de les délivrer de la liberté. (...) S'il y a une grande leçon à tirer des déboires de notre âge, c'est bien que la politique doit en rabattre de ses ambitions ; il s'agit de lui assigner une fonction plus modeste, une position plus humble : son rôle de "faire le ménage" comme disait Camus et non d'imposer au genre humain des recettes de félicité perpétuelle.
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Si vous aimez les citations, voici un livre qui va vous ravir ! Et peut-être la plus jubilatoire de toutes les compilations de citations et elle est l'oeuvre d'un personnage totalement libre et rebelle !
« Les idées des autres », de Simon Leys, à lire aux Editions Plon.
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