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Critique de le_Bison


A bord d'un mythe, billet en poche, balluchon chargé de vodka, je grimpe pour un long voyage, objectif au-delà de la Sibérie. Un air de Tchaïkovski se balade des hauts-parleurs de la gare, signe annonciateur du départ du Transsibérien. Installé dans le compartiment N° 6, je regarde à travers la crasse d'usure de la fenêtre, les derniers visages restés à quai. Je sais qu'après ce voyage, je serais transformé, on ne voyage pas dans un mythe sans conséquence. Vient s'asseoir dans ce compartiment, une jeune femme, pas un canon, ni une mocheté, simplement une femme avec son charme, une finlandaise même. Je me réjouis déjà de ce long tête-à-tête silencieux que me promet ce voyage. le mythe du cornichon malossol.

Quand un russe, vigoureux et bavard, s'installe dans ce même compartiment, je m'éclipse discrètement pour suivre ainsi leur voyage. Lui est rustre, en plus d'être foncièrement russe. Elle est timide et ne semble parler qu'intérieurement. Ils vont avoir des choses à se raconter et je pressens la cocasserie de leur discussion, car si au final, rien de commun ne semble rattacher ces deux personnages, j'imagine leur destin, le croisement de leurs pensées. Et ces dernières me font sourire, au rythme des cahots du train.

Lui ne pense qu'à boire de la vodka, et à lui en offrir, entre deux tasses de thé noir bien brûlant. Il parle, il parle, insatiable, il ne cesse de discourir sur sa vie, sur son pays, sur ses femmes. Ah oui, c'est un homme qui se dit viril, comme tout bon russe imbibé à la vodka, qui est fier d'être macho, comme tout bon russe après plusieurs verres de vodka. de fait, il parle de ses conquêtes, des femmes en général, des putes russes ou lituaniennes. Il pense au sexe, il pense à la vodka, il pense à la chagatte, il croque dans des cornichons malossols, il croquerait bien dans le sexe de sa voisine. Son sujet favori, le sexe. Il est cru, comme ses cornichons, imbibé autant de vinaigre que de vodka. Elle, difficile à savoir ce qu'elle ressent, vu qu'elle n'est pas très disserte sur ses sentiments, son discours intérieur s'épanche au rythme de la traversée de ces longues plaines enneigées.

Et c'est ce qui me plaît dans ce voyage, la rencontre de deux personnages que tout oppose, en plus du voyage proposé, mythique je me répète. Et entre deux arrêts, nos deux voyageurs de bonne ou mauvaise fortune, s'aventureront dans les villages traversés à la découverte d'une taverne ou d'une babouchka, pour recharger ses stocks en cornichons ou en vodka. C'est un voyage dépaysement proposé par ces deux là, souvent insolite et prêtant à sourire. Il se veut contemplatif et répétitif. Il faut dire que le décor givré proposé est souvent le même dans ces plaines battus par le blizzard, les villes industrielles, minières ou pétrolifères, proposent toujours la même architecture datée de l'ère stalinienne, la même crasse le long des murs, les mêmes ivrognes congelés dans le caniveau.

La septième symphonie de Chostakovitch crachote des hauts-parleurs fatigués, le train va repartir il est temps que je remonte à bord, vite une bouteille de vodka achetée à la vieille babouchka au coin du quai, mon voyage n'est pas fini, comme le blizzard.

A noter, grand prix du jury au Festival de Cannes 2021.
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