Vous en savez déjà suffisamment. Moi aussi. Ce ne sont pas les informations qui nous font défaut. Ce qui nous manque, c’est le courage de comprendre ce que nous savons et d’en tirer les conséquences.
Nos évêques poussent des cris d'orfraie quand les Turcs violent les Arméniens, mais ils ne disent mot sur les crimes bien pires commis par leurs compatriotes. Les coeurs britanniques hypocrites battent pour tous, excepté pour tous ceux que leur empire noie dans le sang. Ce Dieu qui a créé des gens comme nous, ne doit-il pas être un fou ?
[p135]
Si, une fois, lorsque Tonnessen, le philosophe norvégien, est venu nous donner une conférence. Il a dit les choses suivantes :
Naître, c'est comme de sauter du haut d'un gratte-ciel.
Vivre est une chute ininterrompue vers la mort.
[...]
La société, l'art, la culture, toute la civilisation humaine ne sont que des faux-fuyants, une vaste illusion collective dont le but est de nous faire oublier que nous ne cessons de chuter et que chaque instant nous rapproche de la mort.
[p159]
Le nourrisson hurle de huit heures du matin jusqu'à la fin de l'après-midi ; à cette heure, il est tellement épuisé qu'il pousse à peine quelques gémissements pitoyables.
Si un adulte criait d'une manière aussi douloureuse, aussi torturée, combien de temps se passerait-il avant que quelqu'un ne réagisse ? Mais les enfants - les enfants pleurent, c'est bien connu. Tout le monde semble trouver la chose parfaitement naturelle.
[p117-118]
Le pasteur de Lord Grey, le père Bihler, était convaincu qu'il fallait exterminer les Noirs. "Il soutient que la seule chance pour l'avenir de cette race est d'exterminer toute la population, mâles et femelles, au-dessus de quatorze ans.", écrivit Grey à sa femme, le 23 janvier 1897. De son côté, il refusait de souscrire à une conclusion aussi pessimiste. Mais l'idée de l'extermination était à portée de main, fort tentante, et la presse de l'homme blanc ne cessait de la reprendre.
[p106]
L'anéantissement du bison fut particulièrement rapide et complet. Les phoques, les baleines du Groenland et bien d'autres animaux sont confrontés à un sort aussi funeste. Comprennent-ils ce qui se passe ? Les derniers survivants d'espèces en voie de disparition ressentent-ils dans leur coeur l'effroi de la solitude ?
[p132]