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Critique de Kirzy


« Le grand roman de la CIA » sous-titre la version poche J'ai lu. Et oui, c'est bien le cas. Ou comment raconter l'histoire des Etats-Unis durant la guerre froide ( de 1950 à 1991 ) à travers les destins croisés d'agents russes et américains, et plus particulièrement à travers la lentille noire de la CIA.

Cela démarre pieds au plancher en 1950 dans la base américaine de la CIA à Berlin-Ouest. L'agent Torriti, dit le Sorcier, et l'agent McAuliffe, fraîchement nommé, doivent exfiltrer un espion du KGB. L'opération est délicate car il faut s'assurer qu'il ne joue pas double-jeu. D'autant qu'il promet de révéler l'identité d'une taupe du KGB s'il passe à l'Ouest. Dialogues vifs, récit dense, rythme effréné immerge totalement le lecteur d'emblée, et ce sans faiblir sur près de 1200 pages, un exploit ! On suit ainsi plusieurs décennies d'espionnage et contre-espionnage, d'infiltrations / exfiltrations avec un intérêt constant.

Forcément, même en 1200 pages, toute la guerre froide ne peut pas être traitée, la guerre du Vietnam est ainsi juste évoquée. Robert Littell assume de choisir seulement quelques jalons historiques forts : la répression de la révolution hongroise de 1956 menée à Budapest par Imre Nagy, la tentative ratée d'invasion de Cuba par des exilés cubains débarqués à la baie des cochons avec le soutien américain en 1961, l'enlisement de l'armée soviétique lors de la guerre d'Afghanistan qui se conclut par une victoire des moudjahidines en 1989, et enfin la chute de l'URSS ; et enfin la tentative de coup d'état contre Gorbatchev en 1991 qui accélère la dislocation de l'URSS et la montée d'Eltsine. Robert Littell est particulièrement convaincant sur les épisodes hongrois et cubain.

Pour guider le lecteur dans la vastitude de cette période, Robert Littell propose un fil conducteur : la traque plusieurs taupes soviétiques qui se cachent parmi des membres importants de la CIA ou du MI6 britannique. Les personnages foisonnent mais quelques uns sont récurrents et c'est à eux qu'on s'accroche pour traverser les quatre décennies explorées. Si j'ai trouvé certains jeunes agents américains assez interchangeables, si le personnage du maître espion soviétique est quelque peu caricatural ( pédophile et antisémite ), celui du directeur du contre-espionnage de la CIA, James Angleton, est le plus intéressant, Cassandre paranoïaque voyant des agents doubles, rongé par une folie obsessionnelle qui le fait basculer à titre personnel et plonge son agence dans un climat délétère.

En fait, ce qu'il y a de très impressionnant dans ce roman, c'est son exceptionnel brouillage entre réalité et fiction, faisant interagir personnages fictifs et personnages réels avec une fluidité confondante, notamment chez les espions. Par exemple, peu connu chez nous, James Angleton a réellement existé et a inspiré de nombreuses oeuvres de fiction. Il est plus facile de repérer les grandes figures politiques comme le président américain Ronald Reagan, dont l'intervention en pleine guerre d'Afghanistan est décrite de façon très savoureuse et comique.

Tout est incroyablement dense dans ce tentaculaire récit à la narration ultra détaillée, et, même si c'est plus facile d'avoir des connaissances géopolitiques sur la guerre froide, le lecteur ne s'enlise pas. le scénario, parfaitement planifié, trace brillamment un chemin dans la complexité spatio-temporelle de la période.



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