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Critique de Ogrimoire


C'est donc un périple incroyable auquel nous sommes conviés avec ce livre, resté longtemps inédit en France et découvert en 2012 par Jennifer Lesieur, qui prépare alors une biographie de l'auteur. Jack London, qui n'a alors que 18 ans, et qui n'a pas encore découvert lui-même sa vocation de romancier. Il écrit quelques articles et des nouvelles entre 1896 et 1897, mais ses oeuvres majeures ne seront publiées qu'au début du XXe siècle, à commencer par L'Appel de la forêt, paru en 1903.

C'est donc à la suite d'un Jack London « aventurier de la liberté » que l'on s'embarque en ouvrant cet ouvrage, qui saute dans les trains en marche, se cache sur les toits des wagons pour échapper aux équipes des compagnies ferroviaires, qui voit veste et manteau s'enflammer quand des escarbilles lui tombent dessus à l'occasion d'un de ces périples. Et toujours, la mort peut être au bout du chemin, mais également la bonne surprise d'un moment partagé avec un Suédois, un Allemand, un autre Jack, compagnons de route, de galère, d'aventure.

Écrit comme une suite de notes, le style tendu donne un sentiment d'urgence, de plongeon dans le temps présent. Mais, il faut bien le dire, la traduction de Jacques Tournier n'est pas sans me poser quelques questions. J'ai vu, de ci, de là, que certains reprochent à ce dernier un style trop emphatique. Ce n'est pas tant cela qui m'interpelle, que le choix – visiblement assumé, et, après tout, « traduire, c'est trahir » (traduttore, traditore) a dit Joachim du Bellay -, de modifier le temps du récit.

En effet, les Éditions Libretto donnent en parallèle le texte d'origine en anglais, plutôt accessible, et cette version traduite, donnant l'occasion de comparer. Et là où Jack London déploie son récit en anglais, relatant les événements qui se sont déroulés les jours précédant, la traduction est faite en passant l'essentiel du récit au présent. Mais l'effet produit n'est pas le même, amenant le traducteur à certains moments à présentés des faits qui, dans le texte de Jack London, se sont effectivement produits, comme des possibilités encore hypothétiques. Ainsi, page 97, il me semble que le texte est relativement différent entre « Je vais aller sonner chez ma tante Mary, qui habite à un mile et demi de la ville, et j'y serai bientôt reçu à bras ouverts » et l'original, qui dit « I found Aunt Mary lived a mile & a half from town, but I was soon there receiving a hearty welcome » (proposition maison qui ne vaut que ce qu'elle vaut : Ayant découvert que tante Mary vivait à un mile et demi de la ville, j'y parvenais rapidement et recevais un accueil chaleureux).

De la même façon, certaines énumérations sont modifiées, et dans leur ordre, et dans le nombre d'objets. Là aussi, un exemple, la phrase originale est « The saloons were all full, & poker, stud horse, faro, craps & roulette were all in full blast », devenue « Les saloons étaient archicombles. On y jouait au poker, au pharaon, à la roulette, aux dés et la fête battait son plein » (page 44). Passons sur le découpage en deux phrases. Mais pourquoi rassembler, même si ce sont deux variantes de poker, poker et stud horse ? Pourquoi la roulette précède-t-elle le craps, devenu juste « on jouait aux dés » ? Et pourquoi ajouter cette idée de fête alors que, de ce que je comprends de cette phrase, ce n'est pas tant la fête, mais les jeux, qui avaient la faveur des participants ?

Bon, ce n'est pas l'essentiel, mais c'est tout de même assez marquant. Même si cela ne change rien à l'intérêt de ce livre ! Alors, prêts à essayer d'échapper à la surveillance des équipes pour vous faufiler sur le tender, le chasse-pierres ou le toit d'un wagon d'un express qui s'élance pour traverser les États-Unis ?

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