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Critique de Northanger


Walter Lord est un historien américain originaire du Maryland, spécialisé dans l'histoire navale. Né cinq ans après le naufrage du Titanic, son destin semblé lié aux grands paquebots de l'époque : sa mère a accepté la demande en mariage de son père sur l'Olympic, et Walter enfant a eu l'occasion de voyager sur le sister-ship du Titanic. La nuit du Titanic (1955) a été adaptée au cinéma sous le titre Atlantique, latitude 41° en 1958. L'auteur a d'ailleurs été consulté lors de la réalisation du Titanic de James Cameron en 1996.

Après quelques hésitations, j'ai décidé de m'attaquer à ce monument de la littérature consacrée au Titanic. Je m'attendais à un livre barbant, truffé de clichés. En réalité, s'il y a bien eu des idées fausses (Plus près de toi mon Dieu, la fin du Capitaine Smith et l'officier Murdoch tirant sur un passager), elles ne trouvent pas leur origine dans cet ouvrage. La nuit du Titanic a fait autorité pendant des décennies avant d'être étayé – plus rarement contredit – par la découverte de l'épave en 1985. On peut seulement s'interroger sur le fait que Walter Lord n'ait pas tenu compte des témoins qui affirmaient avoir vu le navire se briser en deux, thèse désormais officielle.

Plus qu'un roman, c'est un document unique et méticuleux qui prend appui sur une soixantaine de rescapés, aussi bien de première que de troisième classes, de passagers que de membres de l'équipage. Walter Lord a qui plus est eu accès aux comptes rendus officiels du Sénat américain et de la Cour d'enquête britannique. C'est donc un ouvrage solidement documenté qui nous permet de vivre les dernières heures du navire comme si on y était, un vaste reportage qui nous présente les événements et les réactions de chacun, minute par minute.

La nuit du Titanic en elle-même se présente comme un long récit chapitré de presque deux cents pages ; l'auteur entre immédiatement dans le vif du sujet en évoquant la collision fatale avec l'iceberg. Contrairement aux récits que j'ai déjà lus, on ne s'intéresse pas à un personnage en particulier mais à bon nombre de ceux qui se trouvaient sur le navire, dont les faits et gestes, les paroles, ont été rapportés puis recoupés par plusieurs témoignages. On côtoie ainsi les réactions les plus diverses, souvent émouvantes, voire poignantes. « Les choses que les gens emportaient avec eux paraissent assez significatives. Adolf Dyker confia à sa femme un petit sac contenant deux montres en or, deux bagues ornées de diamants, un collier de saphirs et deux cents couronnes suédoises. Mlle Edith Russel emporta un jouet, un petit cochon qui jouait un air de musique. Stewart Collett, un jeune étudiant en théologie qui faisait la traversée en deuxième classe, prit sa Bible ; il avait promis à sa mère de ne jamais s'en séparer. Lawrence Beesley mit dans ses poches les livres qu'il était en train de lire dans son lit ce soir-là. Norman Campbell Chambers prit un revolver et une boussole. Johnson, le steward, qui savait qu'il nétait plus question d'un « tour à Belfast », glissa quatre oranges sous sa veste. »

Ce qui est fascinant dans cette histoire, c'est la beauté et la majesté du navire dans les plus infimes détails, jusqu'à ce nom aux consonances mythologiques ; colosse aux pieds d'argile victime d'un concours de circonstances particulièrement malheureux. Il est le témoin d'une époque qui croyait encore que la technologie pourrait rendre l'homme heureux et invincible, à l'aube des plus grandes catastrophes de l'histoire.

« Comme l'Olympic, oui, mais tellement plus soigné ! disait-il pour évoquer le Titanic. La salle à manger, par exemple : sur l'Olympic, il n'y avait pas de tapis ; sur le Titanic, on enfonçait dedans jusq'uax genoux ! Et les meubles – si lourds qu'on pouvait à peine les remuer ! Et les boiseries... On pourra toujours en construire de plus grands et de plus rapides, mais jamais d'aussi beaux. le Titanic était un navire magnifique, merveilleux. »

Il est édifiant également de constater ce que pouvait représenter un navire pour les classes aisées ; pour un certain nombre de passagers, cette traversée en elle-même n'avait d'autre but que de figurer parmi les premiers à avoir voyagé à bord d'une merveille du monde. D'ailleurs, le type de navire apparaissait comme un signe extérieur de richesse, voire de dignité. « A cette époque, n'importe qui ne se déplaçait pas sur n'importe quel navire. le paquebot qu'on empruntait était un signe important du rang social qu'on occupait, et le Social Register en prenait scrupuleusement note. » Fût-ce pour échapper à la mort, certains risquaient donc d'être mal vus pour être montés à bord du Carpathia venu recueillir les rescapés...

En résumé, je vous conseille vivement la lecture de ce récit qui permet d'avoir une reconstitution du naufrage qui semble coller au plus près à la réalité, malgré les zones d'ombre qui subsistent inévitablement. Une postface apporte d'ailleurs quelques éléments plus récents et quelques précisions sur la grande question : pourquoi avoir prévu si peu de canots de sauvetage ?

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