Vous allez être trois à recevoir ce récit. Trois personnages qui se sont rendus coupables, bien que de manières différentes.
L'un n'a pas entendu le chant de l'Amour : il est le sourd.
L'autre à vu, mais a eu peur : il est le muet.
Le dernier a abandonné alors que la solution se trouvait sous ses yeux : il est l'aveugle.
Malgré le vent chaud, malgré la litanie régulière et protectrice des vagues derrière moi, le picotement froid et électrique de la chair de poule m'envahit.Et sans m'en douter, juste en me penchant pour attraper cette enveloppe à l'apparence inoffensive, je saisis à pleine main mes malheurs les plus précieux.
« Croyez-vous aux fantômes ?
- Aux fantômes ? Non...non, je ne...
- Vous devriez. Car toute cette histoire est une histoire de fantômes. De ces morts qui reviennent à la vie... De ces vivants qui semblent déjà morts... Tous sont des fantômes. Et tous ont un message à porter. Pensez-y. N’oubliez jamais. Répétez-le et gardez-le en tête avant que vos souvenirs ne deviennent eux-mêmes des fantômes... »
Les monstres comme les mamans. Les pendues comme les poètes. Les noyées comme les brûlées. Les garçons renversés comme les promesses oubliées. Tous forment cet arc-en-ciel que les pirates de notre enfance traversent de temps en temps, au hasard d’une odeur d’un goût, d’une vision ou d’une enveloppe abandonnée sur un perron. Ce sont les murmures avec lesquels nous devons vivre.
L'assassin n'est pas obligatoirement celui qui tue. C'est aussi celui qui l'y encourage. Par sa présence. Par son silence.
Mon frère dit que les vrais monstres, ce sont les hommes. Et il a raison. Un zombie c'est que dalle à côté de mon frère saoul et en colère.
L'assassin n'est pas obligatoirement celui qui tue. C'est aussi celui qui l'y encourage. Par sa présence. Par son silence. Ils étaient tous des assassins. Julie n'avait aucune chance !
La mort n’est pas crédible pour un enfant. Ce n’est qu’une ombre qui ne possède aucune substance réelle, une anomalie qui n’a pas sa place dans l’imaginaire d’un gosse de douze ans. Les parents vivent, se séparent, certains disparaissent sans donner signe de vie à leur progéniture, mais on sait, on le ressent au fond de nous, qu’ils sont là, quelque part, et qu’ils vivent.
Je revoyais ses cheveux blonds battus par le vent marin, que je n’osais observer que du coin de l’œil. Leurs mouvements saccadés m’avaient fait penser à la voile déchirée d’un navire en perdition, cela aussi était gravé dans ma mémoire.
Non, la journée d’un écrivain n’a rien de passionnant, sinon dans l’imaginaire de ceux qui la fantasment. L’écrivain, lui, il s’emmerde. Voilà pourquoi il invente des histoires. La routine morne et soporifique est donc nécessaire à son métier. Pour lui, les journées « passionnantes » représentent le plus grand risque de page blanche, tout comme elles sont synonymes pour son éditeur d’un manuscrit rendu hors délais. J’ai très longtemps essayé d’expliquer cela à ma femme. Elle me rétorquait alors que Hemingway participait à des guerres, qu’il pêchait à Cuba et se saoulait à Paris. Et qu’il arrivait aussi à écrire. Et moi, je lui citais d’autres auteurs illustres qui se terraient dans le monastère de leurs existences afin d’y écrire des chefs-d’œuvre. Puis, j’ai laissé tomber. Tout comme elle a abandonné l’idée de me voir l’accompagner dans des soirées ou même de faire du shopping à ses côtés. C’est ainsi. Nos routines personnelles ont nourri la routine de notre vie commune. Pas suffisamment pour nous séparer. Mais assez pour nous éloigner l’un de l’autre, sans que chacun trouve à redire.