Le silence, c'est l'hydre à l'haleine fétide, dont les têtes, à peine coupées, repoussent en se démultiplient, c'est le principal opposant du militant.
Le propre de l'enfant placé, c'est d'être déplacé sans cesse. Sa ligne de vie ressemble à un réseau ferroviaire complexe, aux rails dynamités sur des portions entières. Sur son parcours fait de ruptures, de provisoire, ce qu'il apprend c'est à faire et défaire ses bagages sans poser de questions, c'est à admettre les décisions que l'on prend pour lui.
Pour le militant, le temps traîne, parfois coule.
L'adulte sait ce qui est bien, bon, l'adulte sait ce qu'il faut faire ; le parent, qu'il soit violeur, dégénéré, colérique, totalement inapte, demeure le parent, celui dont l'État croit, dur comme fer, qu'il constitue nécessairement, a priori et in fine, la meilleure option pour l'enfant. Le sang prévaut, même quand il est carencé, troué ; le sang possède, même quand il est empoisonné, toxique.
Et quand, à dix-huit ans, elle les fout dehors, du jour au lendemain, arguant que ce ne sont plus des enfants à la date d'un anniversaire qu'ils ne fêtent souvent pas, ils ne sont pas grand chose. SDF, taulard, pute, dealer, après n'avoir rien eu. Depuis leur naissance.
On allait enfiler le temps, dérouler une journée de plus, dans le bain neutre de la plus tranquille normalité, celle des individus libres et insérés dans la société, ceux qui n'ont ni trop peur, ni trop mal, ni trop de peine à se lever pour nager dans cette direction sans questions : demain.
Mais la chance est un mot ivre, creux comme une promesse électorale.