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Critique de bdelhausse


Assez étonamment, j'étais passé à côté de cette dystopie lors de sa parution. Je l'ai découverte au hasard des listes de lectures scolaires de mon aîné. Et je ne regrette pas de l'avoir lu. Je pense que l'on peut ranger le passeur aux côtés de Farenheit 451 et des autres grands livres d'anticipation dystopique.

Jonas va avoir 12 ans. La société, via un Conseil des Sages, va lui attribuer un métier, c'est-à-dire une place dans la société. Il y a un peu d'angoisse, mais beaucoup de sérénité aussi. La population sait que le Conseil fait pour le mieux. Que le Conseil agit pour le bien collectif, pour l'intérêt commun. Il y a un sentiment de plénitude qui se dégage du début du roman. Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes, en quelque sorte. C'est la fausse impression que le lecteur peut avoir. Il apparaît peu à peu que la population a troqué beaucoup de choses contre ce sentiment de sécurité, contre cette absence de libre-arbitre. Et il en va de même pour le choix d'une compagne ou d'un compagnon (la question de l'homosexualité ne se pose absolument pas).

Le livre date de 1993, et en 2024 le règne de l'individualisme est sacré et domine assez largement la société. La question du collectif est encore centrale, mais se pose différemment de ce qui est présenté dans le roman de Lowry. C'est pour cela que cette solidarité imposée peut sembler salutaire de prime abord, même si la société tolère quelques écarts par rapport aux règles édictées. Des écarts minimes, dont on se dit qu'ils sont intentionnels, afin de laisser l'impression à la population qu'elle peut enfreindre les règles et décider par elle-même. C'est le cas pour le fait d'apprendre à rouler à bicyclette, même si l'âge pour recevoir un vélo est fixé par le Conseil. Exemple révélateur par son côté dérisoire et trivial.

Jonas se voit attribuer le rôle de Passeur. Il va devenir le gardien de la mémoire de la société. Car, vu que certaines situations et certains comportements ont été gommés, éradiqués, les gens n'ont plus l'expérience de certaines choses, ils ne se souviennent pas de choses non vécues. Les choses non vécues n'ont en fait aucun intérêt. Mais il y a une personne qui en est le détenteur. C'est le Passeur, un adulte qui va éduquer Jonas aux souvenirs disparus, à la mémoire collective "inutile". Je dis inutile car le Conseil ne fait que très rarement appel au Passeur pour prendre des décision. Comme si le passé et l'expérience n'avaient aucun intérêt. C'est en substance ce qui se passe actuellement dans nos sociétés.

La rencontre entre Jonas et le Passeur va produire une réaction humaine et alchimique qui ne sera pas sans conséquence, tant indviduelle que sociétale. Mais je vous le laisse découvrir, dans ce roman sensible et empathique, de façon à ce qu'il fasse son petit bout de chemin en vous comme il l'a fait en moi.

J'ajoute que, comme beaucoup de dystopies (et aussi à l'instar du IIIè Reich), la langue officielle, que d'autres auteurs ont appelé novlangue, est utilisée à dessein par le pouvoir pour masquer les pratiques inavouables. Dans l'Age de Crystal, on parle de Grand Carrousel. Victor Kemperer a analysé la langue du IIIè Reich dans Lingua Tertii Imperii, et on peut supposer sans trop s'engager que Loïs Lowry connaît cette rhétorique et la maîtrise. Je vous laisse donc imaginer ce que peut recouvrir le terme d'élargissement...
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