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Critique de boudicca


« Monkey Hanger » (« Pendeurs de singes »). C'est le surnom que l'on donne depuis le XIXe siècle aux habitants de la petite ville de Hartlepool située sur la côté est de l'Angleterre. Pour comprendre l'origine de ce surnom, il faut remonter à l'époque des guerres napoléoniennes pendant lesquelles Français et Anglais se livrèrent à un combat acharné, notamment par le biais de leur marine respective. La bande dessinée commence en 1814, alors que les habitants de Hartlepool constatent le naufrage d'un navire français sur leur plage et découvrent l'unique survivant de la catastrophe : le singe du capitaine. Celui-ci, vêtu d'un costume français pour l'amusement de son précédent maître, ne tarde pas à être emprisonné par les Anglais, certains d'avoir affaire à un espion français. Et pourquoi pas, se disent-ils ? Après tout, le prisonnier est laid comme un poux et on ne comprend rien à ce qu'il baragouine, c'est qu'il doit être français ! Vous voulez une autre preuve ? Figurez-vous qu'on lui a servi un repas de cuisses de grenouilles et d'escargots... et qu'il les a mangé ! Et puis un membre de la ville certifie qu'il s'agit là d'un Français, qu'il le reconnaît, et qu'importe si ce témoin n'est autre qu'un vieillard sénile et complètement myope. Les preuves sont là ! Il n'en faut pas plus aux habitants pour décréter avoir capturé un ennemi de la nation et le condamner à la mort par pendaison.

Si l'histoire prête d'abord à sourire, la chute et la morale qui s'en dégage n'est pas sans toucher le lecteur qui ne peut que s'apitoyer devant la bêtise de cette foule incapable de se rendre compte de sa bêtise, et surtout devant ce pauvre animal qui ne comprend rien à ce qui lui arrive. Rien à redire, donc, en ce qui concerne le scénario de Wilfrid Lupano qui parvient habilement à mêler moments dramatiques et scènes plus légères, introduites en général par ce groupe de jeunes enfants qui suivent de loin la tragédie qui a lieu dans leur ville, trop occupés à jouer aux Anglais et aux Français. Les dessins de Jérémie Moreau sont eu aussi très convaincants et témoignent parfaitement de la naïveté de ces enfants et l'aspect grotesque de la situation mais aussi de la souffrance de ce singe dont les expressions désolées face à la bêtise des hommes à de quoi faire sourire et/ou pleurer. On peut également saluer la référence finale à l'un des plus grands scientifiques du XIXe siècle à qui l'on doit une théorie majeure concernant l'espèce simienne, preuve, s'il en faut, que l'intrigue a été habilement pensée par les deux artistes.

Wilfrid Lupano et Jérémie Moreau signent avec « Le singe de Hartlepool » une fable mi comique, mi tragique dénonçant l'ignorance crasse et la bêtise d'une populace tellement abreuvée de notions patriotiques et nationalistes qu'elle en vient à devenir aveugle à tout, y compris au plus évident. Une farce qui donne à réfléchir et qui se lit avec beaucoup de plaisir.
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