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Critique de Tachan


Je remercie tout d'abord les éditions du Chant du Cygne, jeune maison d'édition qui m'a fait confiance pour la seconde fois avec son nouveau titre à la couverture signée Damien Nagy, alors que j'avais eu un avis un peu mitigé sur leur premier roman : Gestalt. Et cette fois, après la Dark Fantasy, place à une uchronie SF sur fond de nazisme, étrangement alors que sur le papier ça me parlait moins, j'ai largement préféré !

Mes craintes ont cependant été balayées dès les premières pages grâce à une plume qui m'a d'emblée rappelé les auteurs tels que H.G. Wells ou Jack Finney, mes références en matières d'uchronie sur fond de machine à remonter dans le temps. Je sais, ce n'est pas le même trope ici, on est plus sur des dimensions parallèles, mais j'ai vraiment eu l'impression d'être dans ce genre d'ambiance et la fan que je suis a beaucoup aimé !

Malgré un rythme un peu en dent de scie et une histoire très très fournie en aventures et thématiques, Eric Lysoe a réussi à me tenir en haleine de bout en bout, et ce n'était pas gagné vu ma tendance à décrocher sur d'aussi longs récits. Il faut dire qu'il a écrit une histoire vraiment passionnante, qui pose plein de questions et interpelle le lecteur avec un héros assez atypique car pas forcément des plus plaisants à suivre, le tout dans un univers uchronique aux codes bien immersifs, malgré quelques bémols que je poserai plus tard.

L'histoire démarre sur les chapeaux de roue avec 100 premières pages environs vraiment accrocheuses pendant lesquelles nous allons découvrir l'Allemagne nazie sous un tout autre angle aux côtés d'un majordome danois juif, qui côtoie les plus grands savants de son époque. A la suite d'une rencontre un peu bancale, il va se retrouver embarqué dans une vaste machination, si on peut appeler ça ainsi, que seuls les nazis pouvaient inventer. En effet, pour gagner la guerre, ceux-ci n'ont rien trouvé de mieux que d'envoyer une partie de leurs scientifiques dans une autre dimension afin de tester les armes de demain qui leur apporteront peut-être la victoire. Que vient faire notre héros là-dedans ? Eh bien, il va traverser à son tour en voulant aider une jeune femme à retrouver son amant juif lui aussi.

Je vais être honnête, le postulat de départ est un peu bancal et les décisions du héros pas toujours crédibles, pas plus que le concept du Tesseract qui permet de voyager entre les dimensions sur le principe des échanges équivalents, mais qu'importe, c'était fascinant à suivre. J'ai toujours adoré quand un héros un peu naïf était embarqué dans une aventure qui le dépasse comme ici. J'ai toujours adoré les univers régis par des règles à la limite de ce que notre science admet. J'ai toujours adoré aller de surprises en surprises. Et ce fut le cas ici ! Car même si le récit connaît un petit coup de mou une fois le héros a traversé, l'auteur de ressaisit très vite et nous embarque dans un nouvel univers fascinant.

Une fois avoir traversé le miroir, je m'attendais au pire avec ces nazis et leurs expérimentations. J'ai eu effectivement quelques moments assez glauques (avec la femme-cheval) et une société clairement dérangeante (avec ces esclavage +++ des juifs) mais je m'attendais encore à pire et ce ne furent que de brefs moments. En fait, à partir du moment où le héros arrive, il s'escrime surtout à découvrir où il a mis les pieds et ce qui lui arrive, ce qui n'a rien de simple. L'auteur ainsi surprend en nous amenant sur une voie qu'on n'avait pas prévue. Certes, il y a aussi une intrigue visant à faire capoter les expériences militaires nazies mais celle-ci n'est au final qu'une toile de fond, par rapport à l'aventure humaine de Jakob.

En effet, j'ai eu comme première surprise de découvrir un héros assez antipathique, un héros dragueur lourd dont les relations avec les femmes m'ont vraiment posé problème, tout comme son obsession pour une certaine partie de l'anatomie féminine que Courbet a si bien peint et qui semble revenir sans cesse chez lui. Alors certes, il cache cela sous couvert d'une forme de galanterie et du syndrome du preux chevalier, mais je n'ai vu que ça... Cependant, l'auteur installe un jeu fort intéressant entre Jakob et Rudy, l'homme dont il va malencontreusement occuper le corps en passant de l'autre côté. C'est fascinant de sans cesse s'interroger sur la part de Jakob et la part de Rudy dans ce qu'il fait et les souvenirs qui l'assaillent, ce qui a maintenu mon intérêt de bout en bout, tant je cherchais à comprendre cet homme.

Ma seconde surprise est venue de la société dans laquelle il a atterri. En effet, je m'attendais à une version sombre des camps et des laboratoires d'expérimentation dans cette dimension Heisenberg, mais ce fut assez léger au final. A la place, l'auteur nous invite à découvrir les règles et codes qui régissent les relations des différents intervenants. On suit ainsi tour à tour la femme d'un haut dignitaire qui est une croqueuse de jeunes Aryens, une infirmière qui n'est pas celle qu'elle dit être et dont le secret m'a bien surprise - j'ai adoré parler de transidentité -  ou encore une scientifique juive obligée de jouer les esclaves sexuelles. C'est terrible et fascinant à la fois, offrant ici aussi un jeu de dupes savoureux entre les personnages et surtout autour du héros car on se demande qui va le percer à jour, quand et comment, s'il ne va pas se trahir et quels en seront les conséquences, car tout se passe bien facilement quand même pour lui et on se dit que ça ne peut pas continuer éternellement. Cependant comme on est dans une sorte d'hommage à ce type d'histoire, cet écueil ne m'a pas trop gênée.

Se greffe à cela, les fameuses règles qui régissent cette dimension. L'auteur se plaît à utiliser, de loin, des codes de la Hard SF avec une touche de physique quantique et des codes des Planet Opera avec la découverte d'un étrange peuple autochtone fait de lumière avec qui on a bien du mal à communiquer mais qui fascine. Pour cela, Eric Lyose mêle extraits de lettres, de journal intime et narration à la première personne, dans laquelle il manque peut-être un peu de dialogues pour dynamiser tout cela, parce qu'il y a plusieurs passages un peu longuets à force.

Pour ma part, j'ai été fascinée par cette aventure étrange et inattendue, aux ramifications totalement imprévisibles lors du démarrage. J'avais envie de découvrir ce qui allait arriver au héros, s'il allait céder ou vaincre l'esprit du corps qu'il habite, s'il allait réussir sa mission ou se faire percer à jour avant. Mais je suis consciente que ça avait un petit côté Série B, notamment avec l'auteur qui est parti un peu dans tous les sens et a traité d'énormément de sujets pas toujours en lien avec l'histoire principale. Il est parti de ce cadre d'Allemagne nazie avec tout ce que ça implique pour élaborer une histoire bien plus vaste et le parcours d'un homme étrange qui le restera de bout en bout. J'ai aimé l'ambiance et l'aventure. Je regrette un peu l'abandon des pans de SF pure au fil du tome et la fin un peu rapide. Ce fut tout de même une bonne découverte pour les amateurs de voyages dans le temps et entre différentes dimensions proches de la nôtre comme moi.
Lien : https://lesblablasdetachan.w..
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